Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/538

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sont encore en place » ; avec la même impunité, tous les comptables ont pu se transformer « en autant de spéculateurs sur les fonds dont ils ne devraient être que les dépositaires passifs ». Enfin, le 17 prairial (5 juin), en même temps que, par message, ils demandaient au Directoire des renseignements sur la situation de la République, les Cinq-Cents adoptaient un projet d’adresse au peuple présenté par Français (de Nantes) et où on lisait : « Des plaintes nombreuses se sont élevées sur la conduite de plusieurs agents du Directoire exécutif accusés de dilapidations et de rapines, tant dans l’intérieur que chez les Républiques alliées. La loi mettra les coupables sous la main de la justice… La responsabilité des agents exécutifs sera organisée ; les comptes des ministres seront solennellement publiés et sévèrement examinés ; la plus rigoureuse économie sera apportée dans la fixation des dépenses ; la liberté des personnes et des opinions sera garantie par des lois sévères ». Sur ce dernier point, dès le 27 prairial (15 juin), les Cinq-Cents votaient l’abrogation de la loi du 9 fructidor an VI (26 août 1798) prorogeant pendant un an l’art. 35 de la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797), qui livrait les journaux à l’arbitraire policier (chap. xvii, §§ 1 et 2) ; cette mesure constituait l’art. 1er d’une résolution sur la presse, dite projet Berlier, qui fut entièrement votée le 29 prairial (17 juin). Cette résolution en 41 articles, tout en maintenant en particulier l’art. 1er de la loi du 27 germinal an IV-16 avril 1796 ( voir chap. xiii), constituait un progrès ; elle fut repoussée par les Anciens le 4 thermidor (22 juillet) ; le surlendemain, les Cinq-Cents votaient une nouvelle résolution ne comportant que l’abrogation qui formait l’art. 1er de la précédente, et, sous cette forme restreinte, elle était acceptée par les Anciens le 14 thermidor (1er août) ; elle ne devait pas empêcher, d’ailleurs, le Directoire de lancer des mandats d’arrêt contre des journalistes.

Dans la séance du 28 prairial (16 juin), Poulain-Grandpré fit voter par les Cinq-Cents, le Directoire n’ayant pas répondu à leur message du 17 (5 juin), « de rester en permanence jusqu’à l’arrivée de la réponse » à un nouveau message ; et les Anciens, prévenus, se déclarèrent également en permanence. Deux heures après le nouveau message des Cinq-Cents, le Directoire leur annonça qu’il leur enverrait le lendemain les renseignements demandés et qu’il se constituait lui-même en permanence. Le même soir, les Cinq-Cents cassèrent comme inconstitutionnelle — ce qui était rigoureusement exact (chap. xvii, § 2), mais un peu tardif — l’élection, le 26 floréal an VI (15 mai 1798), de Treilhard au Directoire, et décidèrent qu’il devait sur-le-champ cesser ses fonctions ; à deux heures du matin, les Anciens ratifièrent cette résolution. La Revellière, soutenu par Merlin, engagea de toutes ses forces, comme il l’a dit (Mémoires, t. II, p. 391), Treilhard à ne pas se soumettre ; Barras prétend même (Mémoires, t. III, p. 359) qu’il alla jusqu’à parler de recourir à la force armée, et que ce n’est que grâce à lui Barras et à Sieyès, qu’il n’y eut pas de résistance. À la suite de la lecture, le 29 prairial (17 juin).