Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/306

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« Sire, en arrêtant ses regards sur les productions les plus distinguées de l’industrie lyonnaise, Votre Majesté l’a déjà puissamment encouragée, lui a donné un nouvel essor et assuré de nouveaux succès. Elle a daigné cependant conserver cette journée par des bienfaits multipliés. Elle a remarqué le nouveau métier du sieur Jacquart, qui supprime dans la fabrication des étoffes brochées et façonnées l’emploi de la tireuse, supprime aussi une quantité considérable de cordages et rend la fabrication beaucoup plus économique, invention ingénieuse de l’artiste mécanicien le plus habile que Lyon possède aujourd’hui dans son sein. Elle a daigné lui assurer une prime de 50 francs par chaque métier qu’il livrerait sans fabriquer. J’ai pensé justement que comme ce métier sera bientôt d’un usage général, il convenait de limiter à six années la délivrance d’une prime qui pourrait s’élever très haut si elle restait indéterminée pour sa durée. Votre Majesté a annoncé l’intention de remplacer les quatre ouvriers auxquels elle avait daigné accorder des pensions lors de son dernier passage, et qui sont morts dans l’intervalle. J’ai pris, relativement à ce choix, l’avis de la chambre de commerce. Elle m’a désigné d’abord Mme Lasalle, veuve d’un mécanicien célèbre auquel l’ancien gouvernement avait accordé une pension de 1 500 livres, dont les découvertes furent de la plus haute importance pour les fabriques lyonnaises. Elle m’a désigné ensuite les frères Richard et Gaillard, ouvriers distingués, le premier comme chineur ; le second pour la fabrication des étoffes brochées et façonnées, recommandables d’ailleurs par leur âge ou leur caractère. Enfin elle m’a entretenu du sieur Gouin père, teinturier d’un grand talent, auteur d’un très beau noir qui porte son nom, que l’étranger ne peut imiter, qui est très précieux pour nos étoffes, et dont cet artiste conserve et veut ensevelir le secret. En accordant une pension à cet artiste, il était nécessaire de s’assurer, d’une part, que son procédé serait conservé et transmis, de l’autre, qu’il ne serait point publié… »

Ce qui se faisait à Lyon se faisait partout sur le territoire, et surtout se fera pendant le régime du blocus continental, lorsqu’il apparut comme indispensable de multiplier les sources de revenus industriels et de garder jalousement les secrets des ouvriers ou artisans français. Sur les manufactures des Gobelins et de Sèvres, nous pouvons donner deux rapports[1] de l’année 1806 qui nous font connaître leur situation. Pour les Gobelins, le rapporteur — qui n’a pas signé — nous dit avoir vu au dépôt les tableaux à exécuter en tapisserie, et il ne cache pas que « la grande majorité est au-dessous du médiocre ». Ce qui l’a surtout frappé, c’est le choix des sujets. « Je crois, écrit-il, que Votre Majesté se soucie également peu des histoires de Mardochée ou de don Quichotte », et il propose que dorénavant il ne soit plus rien fait qui ne retrace les fastes du règne. Les ouvriers sont meilleurs, à son avis, que sous Louis XV, le directeur Guillaumot est excellent : « C’est donc par le bon

  1. Archives nationales, AFiv 1060.