Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/334

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à demeurer exclusivement l’exécuteur aveugle des volontés de Napoléon. Par une telle attitude, par le zèle qu’il mit à développer la prospérité commerciale du royaume, par sa hâte à faire exécuter d’importants travaux de dessèchement et d’organisation du régime des eaux, par sa sollicitude pour les savants et les artistes, par sa résistance aux exigences de Napoléon, relatives à la conscription et malgré les légitimes préventions des Hollandais, il mérita le plus noble qualificatif qu’un homme puisse ambitionner : on l’appela le « bon » roi Louis.

C’était plus que suffisant, par contre, pour s’attirer la haine de l’empereur et des querelles violentes éclatèrent entre les deux frères. La colère de Napoléon ne connut plus de bornes en présence de la résistance que manifesta la Hollande à l’application du blocus continental.

Pour une nation aussi essentiellement commerçante, le blocus était, plus que pour toute autre, une cause de ruine. Aussi, la fraude prit-elle dans les États de Louis un développement d’autant plus rapide qu’elle pouvait compter sur la complicité du gouvernement. Même à la cour, les dames affectaient de porter des costumes exclusivement fabriqués avec des étoffes d’origine anglaise. Dès lors, la Hollande, considérée comme en état de rébellion contre la volonté impériale, n’allait pas tarder à payer de son indépendance une attitude si frondeuse. Louis fut mandé à Paris dans les derniers jours de novembre 1809 ; pendant plusieurs mois, il y subit, sans pouvoir repartir, les insolentes admonestations de son terrible frère et finit par consentir, sous la menace, au traité du 16 mars 1810, par lequel il cédait à l’Empire la Zelande et le Brabant, c’est-à-dire toute la rive gauche du Wahal, et s’engageait à entretenir six mille Français, tant fonctionnaires que douaniers, aux frais du trésor hollandais. Rentré dans Amsterdam, sa capitale, Louis ne put se faire illusion sur les intentions de Napoléon et il essaya de détourner l’orage par une lettre en même temps énergique et persuasive dont voici un intéressant passage :

« Si vous voulez consolider l’état actuel de la France, disait-il, et obtenir la paix maritime ou attaquer heureusement l’Angleterre, ce n’est point par des mesures semblables à celles du blocus que vous y parviendrez ; ce n’est pas en détruisant un royaume érigé par vous ; ce n’est pas en affaiblissant vos alliés et en ne respectant ni leurs droits les plus sacrés, ni les premiers principes du droit des gens et de l’équité ; mais, au contraire, en faisant aimer la France, en consolidant et renforçant des alliés aussi sûrs que vos frères. »

Mais que pouvaient des paroles si sages contre l’ambitieux entêtement de Napoléon ? Coup sur coup, nous allons assister d’abord au morcellement, puis à l’annexion complète de la Hollande. Le 24 avril 1810, le Sénat vote la réunion à la France de tous les pays situés sur la rive gauche du Rhin, depuis les limites du département de la Meuse jusqu’à la mer, et un décret