Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/364

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fallut pas davantage pour enflammer l’ardeur de ces combattants novices, impatients de gloire, qui se précipitèrent en avant. Le défilé fut franchi et les Espagnols durent abandonner la place. Mais quelle boucherie ! Neuf hommes seulement de cette héroïque phalange polonaise survécurent à ce fait d’armes dont Napoléon, volontairement oublieux, ne daigna jamais mentionner l’importance.

Quoi qu’il en soit, la route de Madrid était libre désormais, et l’empereur put y entrer le 4 décembre, malgré un essai de résistance de la population et de la garnison, vite terrorisées d’ailleurs par de terribles menaces.

À peine installé dans la capitale, Napoléon parle en maître et lance une proclamation insultante pour les vaincus : « Si vous ne répondez pas à ma confiance, écrit-il le 7 décembre, il ne me restera qu’à vous traiter en provinces conquises et à placer mon frère sur un autre trône. Je mettrai alors la couronne d’Espagne sur ma propre tête et je saurai la faire respecter des méchants : car Dieu m’a donné la force et la volonté nécessaires pour surmonter les obstacles ! »

Une soumission apparente fut le résultat de ce comminatoire appel à la confiance et Joseph, revenu à Madrid parmi les bagages de son frère, reçut le serment de fidélité des bourgeois et des fonctionnaires madrilènes.

Mais il restait à conquérir l’Espagne que n’avait certes pas réussi à pacifier la marche rapide de Napoléon vers Madrid : de tous côtés les troupes ennemies se reformaient, Palafox était toujours maître de Saragosse, La Romana guerroyait en Galicie, et Venezas dans la Manche, tandis que les troupes anglaises, sous les ordres des généraux Moore et David Baird, traversaient le Douro et venaient, le 22 décembre, camper en vue du corps d’armée du maréchal Soult.

À cette nouvelle, Napoléon prend aussitôt la résolution de marcher sur les Anglais : il quitte Madrid, les rencontre à Medina Del Rio Secca, les oblige a rétrograder, les poussant jusqu’à Benavente d’abord, puis enfin jusqu’à Astorga où il entra le 1er janvier 1809 après avoir infligé à Moore une sanglante défaite.

Mais à peine arrivé à Astorga, Napoléon apprend que l’Autriche est en ébullition, qu’une guerre imminente se prépare, et qu’on espère prendre la revanche d’Austerlitz à la faveur de la diversion d’Espagne. Aussitôt l’empereur abandonne en Espagne le commandement à Soult et regagne précipitamment Valladolid puis Paris.

Nous aurons ultérieurement l’occasion de l’y retrouver mais il importe, pour garder quelque méthode dans le récit des événements, de rester en Espagne et d’achever le résumé succint des opérations militaires qui s’y poursuivent.

Livrés à eux-mêmes, les généraux de Napoléon qui s’exécraient les uns les autres, ne tardèrent pas à compromettre par leurs rivalités l’issue de la