Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/433

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au Brandebourg et à la Poméranie. Des proclamations analogues, où se faisaient jour, parmi de pompeux lyrismes oratoires, les plus nobles sentiments, furent lancées à peu près dans le même temps aux autres peuples de l’Allemagne, et notamment à la Saxe, par Koutouzof et Witgenstein.

Nesselrode et Stein, mandataires des souverains russe et prussien, signèrent, deux jours après, le 19, à Breslau, un traité dont l’importance ne saurait échapper à ceux qui recherchent, dans leurs premiers principes, les origines de l’unité germanique ultérieurement réalisée. Entre autres clauses où l’esprit de Stein donnait toute la mesure de son intelligence organisatrice et de sa perspicacité, il était dit, dans cette convention, que les territoires repris au cours des luttes qui s’engageaient contre Napoléon seraient soumis au contrôle de deux administrations centrales, l’une militaire, composée des chefs alliés, l’autre civile, et représentées chacune par deux gouverneurs pour chaque province. Il est assurément inutile d’insister sur l’extrême importance politique de cette application d’un nouveau mode de gouvernement, dans lequel le pouvoir civil dépendait d’un conseil central d’administration que Stein considérait, selon l’expression très juste de M. H. Vast comme « un instrument » pour la destruction des souverainetés particularistes et la réalisation de l’unité germanique.

Huit jours après la signature de ce traité qui réglementait des conquêtes que l’on tenait pour certaines, on enregistrait l’entrée des Prussiens à Dresde et le recul simultané des troupes d’Eugène. Cette victoire qui concordait avec les négociations russes et prussiennes eut un vif retentissement. À la même date, de Krusemarck et de Hatzfeld redemandaient leur passeport et faisaient tenir à de Bassano la note diplomatique de rupture à laquelle nous avons précédemment fait allusion.

Ce fut en quelque sorte pour répondre aux griefs ainsi formulés par la Prusse, et qui n’étaient, hélas ! que trop justement fondés, que de Bassano donna, le 1er avril 1813, lecture au Sénat d’un mémoire où il interprétait, dans un sens tout différent bien entendu, l’attitude de l’ancienne nation alliée. Bassano n’avait point d’ailleurs à faire la part de l’orgueil national germanique et il prétendit, dans ce factum, n’exposer que les hésitations, puis les trahisons de Frédéric-Guillaume.

La rupture officielle avec la Prusse et la nouvelle des hostilités engagées sur certains territoires allemands permirent à Napoléon d’exiger la levée des contingents nouveaux. Le Sénat, qui n’avait point pour habitude de contrecarrer les intentions du maître, acquiesça, et, le 3 avril, décida l’appel aux armes de 180 000 hommes. Napoléon prit, à l’égard des troupes mises ainsi à sa disposition, certaines mesures d’organisation ; il confia la régence à Marie-Louise et quitta Paris pour prendre le commandement des armées.

Nous avons dit, au début de cet exposé des principaux événements de la campagne d’Allemagne, quelle confiance Napoléon gardait dans son alliance