Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/434

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avec l’Autriche, quelles illusions il se faisait sur l’efficacité des liens de parenté qui l’unissaient à François II. Le mariage qu’il avait conclu était, à ses yeux, la condition inéluctable de l’amitié des deux peuples. Cependant des événements de second plan, sur lesquels on n’a point coutume de s’arrêter, auraient dû éclairer, bien avant 1813, Napoléon sur les sentiments de l’Autriche. La froideur avec laquelle cette nation avait collaboré à la campagne de Russie n’était-elle point déjà le signe d’un relâchement évident ? La réponse faite par Napoléon, à l’issue de la campagne de Russie, en janvier 1813, à M. de Bubna qui venait proposer la médiation de l’empereur François II, soucieux de clore l’ère des conflits européens, avait vivement indisposé les Autrichiens. Contre toute évidence, Napoléon, soutenant le bien fondé de toutes ses prétentions, avait déclaré qu’il n’était prêt à aucune concession et qu’une paix basée sur la reconnaissance de l’indépendance de l’Allemagne était absolument inacceptable. L’échec de la diplomatie autrichienne, en une circonstance où l’intérêt commandait à Napoléon la conciliation, l’entente et l’abandon de ses présomptions insolentes, avait affecté François II et refroidi ses intentions pacifiques.

D’autre part, Metternich, avec une incroyable duplicité et une incomparable intelligence des moindres événements, commençait contre Napoléon et la domination française une campagne dissimulée, très habile et singulièrement efficace. Il déclarait d’abord à notre ambassadeur à Vienne. Otto, que le langage provocateur de Napoléon, notamment lors de l’ouverture du corps législatif, ne laissait pas d’aggraver la situation de la France à l’égard des autres nations européennes. Il ajoutait que l’Autriche ne manquerait pas de seconder nos efforts et que la France, avec cet appui, pouvait maintenir sous sa domination la meilleure part de ses conquêtes, les frontières du Rhin, le plus grand nombre des territoires italiens acquis à notre influence, les villes hanséatiques.

À l’encontre des sages avis de l’Autriche et des intentions cauteleuses de Metternich, Napoléon n’émettait que des prétentions insoutenables qui déconcertaient par leur arrogance ; à aucun moment il ne concevait que la paix pût régler un différend politique : la solution radicale, c’était l’appel aux armes, l’invasion, tout le meurtrier cortège de la guerre. En réponse aux avances autrichiennes, Napoléon proposa à François II une action de concert, fit appuyer ces désirs par un nouvel ambassadeur à Vienne, M. de Narbonne, ancien diplomate de la monarchie, et échoua. Pendant ce temps, Metternich, utilisant pour l’Autriche les avantages incontestables que présentait déjà pour elle la nouvelle coalition, prodiguait ses sympathies aux chefs du mouvement antifrançais, faisait secrètement réorganiser les contingents autrichiens et s’efforçait de discréditer Napoléon dans l’esprit des alliés demeurés fidèles.

Napoléon, en présence des nouvelles alarmantes qui venaient chaque