Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/442

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folies aventureuses et héroïques où Napoléon avait engagé nos armées, semblait peu disposé à mener à bien des négociations pacifiques où l’on faisait tant de cas d’un passé de succès qu’on légitimait solennellement.

L’entente s’était à peu près établie parmi les congressistes de Prague ; ne leur manquait plus, pour que leurs déterminations fussent validées, que la réponse de l’empereur les ratifiant. Mais celui-ci avait résolu de retarder le plus possible cette réponse qu’il comptait subordonner, non pas au sentiment de ceux qu’il aurait pu consulter à cet effet, mais à l’état de ses moyens d’offensive lors de la clôture de l’armistice.

Napoléon ne fit connaître que le 10 août, par l’intermédiaire du général autrichien Bubna, les objections qu’il opposait aux conditions de la convention proposée au congrès de Prague. Il prétendait n’abdiquer qu’un petit nombre de ce qu’il appelait ses droits et ne renonçait point à sa souveraineté sur la Hollande, les villes hanséatiques : il consentait d’abandonner, en outre de l’Espagne, les provinces illyriennes et le grand-duché de Varsovie. Quelques prétentieuses que fussent ces conditions nouvelles, elles n’en établissaient pas moins la réponse de Napoléon ; celle-ci, sans doute, était tardive et contenait assurément pour les alliés des clauses bien difficilement recevables après délibération ; néanmoins, elles indiquaient, d’une manière qui, pour n’être point sincère, n’en constituait pas moins une démonstration officielle, le désir de l’empereur de prolonger les négociations et de les faire aboutir. Metternich, dont l’habileté et la fourberie trouvèrent rarement plus belle occasion pour se manifester, prétendit que Napoléon avait outrepassé les délais consentis pour sa réponse aux propositions du congrès, et ajouta qu’il n’était plus en mesure de se servir de celle-ci pour arrêter l’exécution des mesures fatales prises le 10 août, à minuit, date de l’expiration de l’armistice. Ces mesures, c’étaient l’adhésion de l’Autriche à la coalition et sa participation active à la campagne qui devait terrasser le vainqueur d’Eylau et de Friedland. Metternich, qu’un sens aigu et une perspicacité subtile instruisaient sur l’avenir ne céda point aux sollicitations de Caulaincourt qui, ne pouvant croire à tant de perfidie, le pressait de consentir à la reprise des pourparlers ; le ministre de François II se retrancha derrière les circonstances fâcheuses qui avaient mis Bubna dans l’impossibilité d’arriver à temps pour soumettre au congrès la réponse de Napoléon, et le 12 août, la rupture des relations avec la France et la déclaration de guerre de l’Autriche furent officiellement annoncées. La campagne d’automne allait commencer, entraînant contre Napoléon des peuples exaspérés par ses prétentions despotiques, incertains jusque là sur la durée de leurs ressentiments, mais décidés désormais à poursuivre fiévreusement la ruine de celui qui ne se lassait pas de combattre et ne craignait point d’imposer à ceux qui échappaient aux hideuses tueries si savamment apprêtées un joug insupportable.

En regard de cette enthousiaste ferveur, de cette frénésie généreuse qui