Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/529

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qu’en ce moment présente le commerce de la France sollicite vivement l’attention de Votre Excellence, et semble mettre au nombre de mes devoirs de lui présenter quelques réflexions dont elle appréciera le but avec sa sagacité ordinaire.

« Sur la principale place de commerce de l’Empire le discrédit plane, fait chaque jour des progrès et menace de grands malheurs. Lyon sollicite ardemment de prompts secours ; l’intérêt de l’argent y est monté à 12 %, quoique le Comptoir de la Banque y escompte à 5 de tous les moyens ; les négociants sages y refusent les affaires les plus sûres pour ne pas prendre des engagements ; il en est de même à Besançon et dans les villes circonvoisines, d’après la lettre que je reçus hier d’un membre du conseil général de commerce, dont la copie est jointe à celle-ci.

« À Paris, plusieurs maisons très connues éprouvent une gêne manifeste ; des valeurs accréditées sont offertes à 6 et 7 % l’an, quoique la Banque escompte à 4 % plus qu’elle n’a jamais fait.

« Cet état de choses est d’autant plus redoutable que, par nature, il ne peut que s’aggraver jusqu’à ce que ses causes cessent.

« Elles existent évidemment :

« 1° Dans l’essai que la Banque de France a fait de transmettre des billets à ses comptoirs avant qu’ils fussent nécessaires, ;

« 2° Dans la réduction de valeur des anciennes monnaies de France, qui a fait naître la crainte d’une prochaine démonétisation des espèces et provoqué leur envoi à l’étranger, où elles ont conservé leur ancien cours ;

« 3° Dans les mesures que les ordres du gouvernement ont fait prendre en Hollande, en Allemagne, en Suisse. Ces mesures enlèvent aux commerçants des sommes importantes ; si elles ne s’appesantissaient que sur ceux qui ont violé les lois, elles ne seraient qu’une juste punition ; mais, malheureusement, elles portent aussi sur des commerçants honnêtes, qui ont prêté leur bourse et leur crédit à des correspondants qui ne leur étaient connus que par leur exactitude à acquitter leurs engagements, et qui, aujourd’hui, devant beaucoup à Paris, à Lyon, feront participer leurs créanciers à leur infortune s’ils sont ruinés. Les capitalistes redoutent ce danger et retirent leurs fonds de chez les négociants. C’est ainsi que le commerce voit diminuer les moyens auxquels il est accoutumé, au moment où il aurait besoin de nouveaux secours.

« La Banque de France fait ce qu’elle peut pour aider Lyon et détruire les craintes chimériques qui y aggravent les circonstances générales, mais elle aperçoit aussi qu’à Paris les besoins se multiplient et que les valeurs qui lui sont présentées à l’escompte diminuent de solidité ; ainsi, lorsque la prudence lui prescrit d’augmenter de réserve envers les effets qu’elle escompte, les besoins du commerce lui demandent plus de facilités.

« Vainement la Banque chercherait-elle une juste proportion entre la