Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prudence et les besoins, elle ne pourra satisfaire à l’une et aux autres. Toute la prévoyance ne saurait arrêter la progression du mal qui menace le commerce de France et la Banque elle-même de vastes contre-coups, dont l’étendue ne saurait être prévue si la puissante main du gouvernement n’y porte promptement remède. »

« Je suis, etc.

« Le vice-président du Conseil général du commerce,
« Signé : Martin, fils d’André. »

Il est vraiment impossible de concilier ces deux textes, à moins d’admettre — ce qui est invraisemblable — que la situation se soit brusquement modifiée en trois mois.

Aussi bien, nous allons voir par d’autres documents, ceux-là décisifs, que la lettre du vice-président du conseil du commerce est la seule conforme à la réalité des choses.

Mais nous voudrions auparavant ouvrir une parenthèse à propos d’un passage du rapport ministériel que nous avons reproduit plus haut.

Ce rapport constate « qu’il est arrivé des ouvriers d’Allemagne et d’Italie ». Et cette constatation éclaire en partie le problème que nous nous étions souvent posé à nous-même, nous demandant comment concilier l’augmentation croissante de la population industrielle avec les formidables saignées que faisaient inévitablement dans le prolétariat la conscription et tant de guerres sanglantes. À vrai dire, Chaptal indique quelques-unes des causes de cette surprenante augmentation.

« Depuis 25 ans, écrivait-il en 1818, il est prouvé que la population ouvrière a augmenté d’environ un sixième. Il faut en convenir, le spectacle des guerres sanglantes et continues, le tableau des dissensions civiles ne nous ont point préparés à de tels résultats : nous voyons pourtant dans le passé des causes de destruction, de dépopulation : nous ne trouvons nulle part la cause d’une reproduction aussi rapide, aussi extraordinaire.

« Cependant, si nous comparons le présent au passé, nous pouvons faire cesser cet étonnement.

« Autrefois un jeune homme ne pouvait s’établir qu’après 25 ans d’âge, parce que le compagnonnage et l’apprentissage étaient seulement terminés ; les difficultés d’acquérir la maîtrise présentaient de nouveaux obstacles et prolongeaient son existence de célibataire.

« Aujourd’hui, l’élève est pressé de travailler pour son compte, et il ne peut le faire qu’en s’associant à une femme, de sorte que les mariages des gens de métier sont devenus infiniment plus communs.

« D’après le recensement des ouvriers des divers métiers qui sont établis