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HISTOIRE DE LA RESTAURATION


Par RENÉ VIVIANI
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PREMIÈRE PARTIE


DE LA PREMIÈRE A LA SECONDE CAPITULATION DE PARIS
(Du 30 mars 1814 au 8 juillet 1815.)
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CHAPITRE PREMIER


LA PREMIÈRE ABDICATION


La première capitulation de Paris. — Situation de la capitale. — La noblesse et la bourgeoisie. — Défilé des alliés. — Réunion chez Talleyrand. — M. de Vitrolles. — Le Sénat et la déchéance. — Napoléon à Fontainebleau. — Les maréchaux. — Défection de Marmont. — L’abdication. — L’Ile d’Elbe.


Le 1er janvier 1814, la coalition européenne avait jeté près d’un million de soldats sur la France. Le flot sombre des uniformes lointains avait mis près de trois mois à recouvrir le pays, depuis la frontière de l’est jusqu’à Paris. Les ennemis ne s’approchaient qu’avec une terreur mêlée de respect de cette capitale jusqu’alors inviolée, et qui semblait devoir tenir toujours en réserve quelque prodige. Mais le 30 mars, pour la première fois depuis bien des siècles, Paris aperçut la fumée d’un camp ennemi. Enserré par plus de deux cent mille hommes, il subit la mitraille continuelle. À l’intérieur de la ville, vingt mille hommes, débris d’armées épuisées et refoulées, résistaient encore, mêlés de polytechniciens, aussi d’hommes du peuple. Les chefs, Mortier, Moncey, Marmont, coupés de l’empereur depuis des jours, déshabitués, par la formidable initiative du conquérant, de toute énergie propre, se battaient en soldats, ne commandaient pas en généraux. Sous les pas de l’ennemi, peu à peu ils reculaient, ayant sous leurs ordres, quelquefois contradictoires, exactement l’effectif suffisant pour couvrir un cinquième de l’énorme enceinte qu’il eût fallu défendre. De la ville morne aucun enthousiasme ne jaillissait ; aucune peur non plus n’apparaissait. Sauf en ses quartiers populaires les plus exposés, Paris semblait absent de lui-même.