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CHAPITRE XII


MINISTÈRE DE VILLÈLE. — L’INTERVENTION EN ESPAGNE.


La Révolution à Madrid. — La Congrégation en France. — Les émigrés veulent l’intervention. — Résistance secrète de M. de Villèle. — Le Congrès de Vienne. — Les élections. — Échec de Benjamin Constant. — Le rôle de Mathieu de Montmorency et de Chateaubriand. — Ce dernier est nommé aux Affaires étrangères. — La Congrégation somme M. de Villèle. — Il cède. — Les crédits. — Débats à la Chambre. — Discours et expulsion de Manuel. — La guerre décidée. — L’armée part. — M. Ouvrard. — Marchés scandaleux. — Conspiration éventée. — Marche sur Madrid. — La corruption livre l’Espagne. — Fuite des Cortès. — Siège de Cadix. — Héroïque résistance de Riego. — Sa défaite. — Sa mort. — La corruption livre Cadix.— Ferdinand restauré. — L’Église et le Capitalisme.


Pendant que ces faits se déroulaient en France, à l’intérieur, et que les derniers cris de révolte contre la servitude écrasante s’éteignaient au geste du bourreau, l’Espagne offrait le spectacle d’un bouleversement sans précédent. Sur le trône que Joseph avait abandonné, Ferdinand, un Bourbon, s’était fixé. L’absolutisme le plus féroce lui tint lieu de programme et la sinistre terreur religieuse, par ses mains, glace les cœurs et les consciences. Une insurrection partie de l’île de Léon, et qui s’était répandue dans Cadix, se leva, forte de toutes les saintes colères exaspérées par l’iniquité. Son chef, le colonel Riego, marcha en avant ; la capitale répondit à son coup d’audace et, après des épreuves diverses, l’insurrection maîtresse, sinon du royaume, dont l’ampleur échappait à son emprise, du moins des rouages du pouvoir, s’imposa à Ferdinand. C’était le 6 janvier 1820.

La lâcheté royale accepta la Révolution accomplie et reçut de ces mains irritées la Constitution qu’elle promit publiquement de défendre, sauf à trouver dans la perfidie d’une traîtrise la suprême revanche de la peur.

Or, cette occasion lui sembla offerte en 1822.

La fièvre jaune vint s’installer à Barcelone et séjourner dans toute la Catalogne. Des milliers d’êtres disparurent sous des tourments jusqu’alors inconnus. Afin d’éviter l’entrée en France de malades ou de convalescents qui auraient contaminé nos villes, le Gouvernement établit une sorte de service, fort de trente mille soldats. Or, les intentions du Gouvernement étaient différentes de celles qu’il exprimait, et ce n’était pas le seul souci de la salubrité publique qui le hantait. Pourquoi ce service était-il composé d’hommes si nombreux et pourquoi, s’il devait borner ses efforts à une sorte de surveillance sanitaire, un maréchal avait-il revendiqué le droit, peu glorieux, de commander ? La fièvre jaune d’ailleurs, exaspérée par l’été