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QUATRIÈME PARTIE


DE LA MORT DE LOUIS XVIII À LA CHUTE DE CHARLES X


(Du 25 septembre 1825 au 30 juillet 1830.)
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CHAPITRE XIV


SITUATION POLITIQUE. — PREMIÈRES MESURES. — RÉACTION. — LE SACRE. — MORT DU GÉNÉRAL FOY. — MORT DE L’EMPEREUR ALEXANDRE.


La mort de Louis XVIII n’avait surpris personne, et la somnolence alourdie qui fut pour lui la longue préface du trépas avait préparé les autres à la succession. Dès que le duc d’Uzès eut, selon le cérémonial restitué par la royauté française, crié : « Le roi est mort ! » tous se levèrent et l’agenouillement des courtisans fit place à une autre attitude : « Vive le roi ! » répondirent les clameurs déjà adulatrices. Et ce vœu bruyant qui venait saluer un vieillard presque aussi âgé que le roi mort, quoique, il est vrai, plus indemne de par la nature, avait quelque chose d’ironique et de dérisoire.

Sous les pas du roi, la foule des quémandeurs royalistes se pressait, tandis que la foule ignorante, écartée des fastes et des manifestations de la politique, attendait pour voir ce qui allait choir du geste nouveau. Le premier effort d’un roi, fût-il destiné par l’ambition jusque-là contenue de son âme à l’autocratie la plus âpre, son premier effort est pour sourire, bénir et pardonner, comme si les plus inflexibles monarques sentaient cependant que l’absolutisme est un outrage au monde et qu’il a besoin de se faire tolérer. Charles X ne manqua pas, sur les conseils de de Villèle, à cette mode, fit amnistier quelques captifs, voulut paraître, sans cortège ni gardes, au contact du peuple et faire prendre confiance à ses sujets. Même ces gestes ayant paru trop courts et trop simples, Villèle y ajouta la garantie au moins provisoire d’une modification légale et, par ses soins, la censure fut supprimée, la liberté de la presse rétablie : ce qu’on appelait la liberté, c’est-à-dire un précaire et intermittent régime de discussion tempérée par les saisies et par les poursuites. Mais, en dépit de cet effort pour conquérir les sympathies, aucune communication ne s’établit avec le peuple. Comment aurait-elle pu se former ? Il eût fallu, pour cela, que le peuple, frappé d’amnésie instantanée, rayât de la plus récente histoire politique, des actes et