Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/240

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département, d’épurer un peu les sphères administratives où figuraient, artisans de toutes les fraudes du passé, nombre de préfets. Les plus imposés de la commune formaient un corps de notables, extrêmement réduit d’ailleurs, et qui nommait le conseil municipal dont, jusqu’ici, le choix appartenait au préfet. Ce corps ne pouvait pas s’élever à un nombre de membres supérieur à trente, plus deux électeurs sur cent habitants. Les plus imposés du canton, auxquels se joignait un électeur sur cent, nommaient le conseil d’arrondissement et les plus imposés de l’arrondissement, avec le surcroît d’un électeur sur mille, nommaient les conseillers du département. La commission chargée d’examiner différents projets, les aggrava dans le sens libéral, et demanda l’inéligibilité des ministres du culte avec la suppression du mot « notables. »

Mais quel projet viendrait le premier en discussion ? Sur cette simple question de procédure, le gouvernement, à sa stupéfaction, fut battu. La gauche réclamait la discussion immédiate du projet touchant l’organisation départementale, désireuse qu’elle était de constituer tout de suite un corps de contrôle sur les préfets. Le gouvernement s’en tenait au projet communal le premier déposé ; au scrutin, les libéraux et les ultras se levèrent ensemble et firent contre le gouvernement une majorité.

C’était une surprise. Il semble même qu’elle eût été salutaire, si les libéraux et le gouvernement, avertis par elle, comprenant que les ultras profiteraient de leur désaccord, s’étaient rassemblés. Au lieu de cela, la dispersion des efforts fut la loi communément observée. Quand vint le projet sur le fond, le rapporteur, le général Sébastiani, un libéral, apporta les exigences intransigeantes de ses amis. Sur la suppression des conseillers d’arrondissement, les libéraux votèrent, la droite s’abstint, et l’amendement hostile au gouvernement fut voté.

En vain M. de Martignac avait développé, pendant ce débat, toute la souplesse brillante de son esprit, ramené les uns, critiqué sans amertume les autres, offert le spectacle d’un homme admirablement doué par toutes les forces de séduction et de logique qu’il détenait en lui. Il était battu. Il se retira avec Portalis, et revint avec un décret royal opérant le retrait du projet.

C’était la rupture violente et définitive avec la gauche. Désormais le ministère va vivre au jour le jour, sans majorité, sans lendemain, exposé aux rencontres hasardeuses, mais décisives, des libéraux et des ultras. Le vote du budget de 1830 occupa l’Assemblée, dont toutes les attentions se détachaient des questions pécuniaires pour se reporter sur la situation politique[1].

  1. Cependant cette indifférence ne permit pas à M. de Peyronnet d’échapper à un vote provoqué par Dupin aîné et mettant en demeure le gouvernement de poursuivre devant les tribunaux l’ancien ministre du cabinet Villèle pour mauvaise gestion des deniers de l’État.