Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/37

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monarchique dont ils venaient de consacrer la vertu. Cette transaction, dont la commercialité ne cherchait même pas à se dérober, fut violemment discutée. Un nom lui est demeuré : on l’a appelée la Constitution de Rentes. Elle était revêtue de soixante-six signatures. Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que parmi ces signatures figuraient neuf signatures étrangères : comte Bilderbresch, Carbonara, de Gregori, Herwyn de Wilveld, de Micronon, Schimmelpennink, Van de Pol, Van Dedem, Van Juglen. Au surplus, c’est à cela que se bornait l’intérêt de cette Déclaration, publiée le 8 avril au Moniteur, et dont le seul article important est l’article 2 :

« Le peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi, et, après lui, les autres membres de la maison de Bourbon, dans l’ordre ancien. »

Cette Déclaration fut le signal de la bruyante courtisanerie que contenait, seule, jusque-là, le doute où étaient les esprits sur les événements. Tous les intérêts menacés, tous les privilèges, toutes les peurs, trouvèrent une formule adulatrice. Pendant quelques jours, ce fut une émulation dans la bassesse. Des fonctionnaires, chargés d’honneurs par Napoléon, ses généraux enrichis des dépouilles des nations, les magistrats, les avocats, toute la société dirigeante adhéra par le serment au règne nouveau. Les avocats d’Amiens ne furent cependant pas dépassés dans ce concours de servile rhétorique.

Devant cette soumission sans retenue, et qui n’attendait même pas l’ordre donné pour trouver l’attitude humiliée, le gouvernement provisoire se donna toute licence. Aucun acte ne lui parut plus ou grave ou impopulaire. Et c’est de ce jour d’aveugle confiance dans l’adhésion sans mesure de la nation que datent les fautes qui vont un peu plus tard retomber sur le régime. Il y avait dans l’armée un soldat, le général Dupont, qui avait capitulé, à Baylen. Pour cela, l’Empereur l’avait comblé d’injustes affronts. C’était, en tous cas, et réserve faite de disgrâces excessives, un soldat impopulaire. On en fait un ministre de la Guerre. L’abbé de Pradt, archevêque de Malines, devient le directeur des maisons de la Légion d’Honneur. La presse est soumise à la censure.

Entre temps, les caisses du Trésor public avaient été trouvées presque vides, garnies à peine de dix millions qui, sous la main du gouvernement provisoire, étaient devenus, presque totalement, le salaire de beaucoup de défections. On expédie à Orléans M. Dudon, qui arrache à l’ex-impératrice les diamants de la couronne, quinze millions, et les rapporte. Une autre expédition, plus malheureuse pour son auteur, fut tentée près de Paris. Maubreuil, ce Maubreuil qui caracolait auprès du tzar, à la rentrée des alliés, ayant mis à la queue de son cheval la croix de la Légion d’Honneur, enlevait, près de Paris, l’argent de la princesse de Wurtemberg. Il opérait, en vertu d’ordres formels, pour le compte du Trésor. Mais la princesse, cousine du tzar,