Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/45

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ce point de vue, qu’elle eut une belle unité. Il demeura, pendant la durée de l’Empire, à Edimbourg, où devait le ramener son dernier exil. Et c’est de là qu’il partit, quand les premières défaites annoncèrent la chute, pour se mêler aux rangs de l’ennemi et, par les armes prussiennes, conquérir à son frère le trône.

Cependant le roi ne se pressait pas de tenir sa promesse, qui était de faire connaître la Charte. Enfin il réunit la commission chargée de l’élaborer en lui soumettant au jour le jour ses travaux. Composée de dix-huit membres nommés par lui, de sénateurs, de députés, elle aboutit, après quelques jours à une approbation presque complète du projet royal, à elle soumis comme un ordre. Ce projet, qui devint la Charte, s’écartait déjà de la Déclaration du 2 mai, et il était visible que toute la pensée, même voilée, du régime allait être de jeter sur des ruines, non un édifice nouveau, mais des ruines semblables. Pour la religion, la Charte primitivement déclarait la religion catholique culte de l’État, et daignait accorder sa protection aux autres cultes. Il fallut la protestation de Boissy d’Anglas pour modifier un peu la formule où la religion catholique demeure d’ailleurs la religion d’État.

Pour la presse, c’est bien pis : la Déclaration avait promis la liberté. La Charte parlait « de prévenir et de réprimer ». Seul le second mot résista à la timide épreuve que fit subir au document souverain la commission. « Le roi propose la loi ». C’est à peine si, par voie d’amendement, la commission fit admettre pour la Chambre le « droit de supplier » le roi de déposer un projet de loi. Enfin la Charte supprime le Sénat, dont cependant la Déclaration faisait mention. Elle y substitue la chambre des Pairs et, ainsi, les sénateurs, qui ont proclamé la déchéance impériale, à leur tour connaissent la déchéance. Quand vint la discussion sur la Chambre, le débat fut brusqué par le président Dambray : l’empereur Alexandre s’impatientait et le roi avait demandé à la commission de presser ses travaux. On ajourna la discussion sur l’origine de la Chambre, mais il fut acquis que l’électorat serait acquis par tout homme de 25 ans payant 300 francs d’impôts et l’éligibilité par tout homme de 30 ans en payant 1 000.

Ce fut tout. Le 4 juin, une assemblée extraordinaire réunit le Parlement auquel venait rendre visite le roi. Les mêmes acclamations qui avaient assourdi Napoléon partirent des mêmes poitrines à l’adresse du souverain impotent dont la débilité physique faisait déjà l’objet des quolibets populaires. Le roi parla un langage modéré et la cérémonie fut close.

Telle fut l’histoire de cette charte hâtive, document mensonger qui devait essayer de tromper une nation, qui contenait, pour la duper, les mots nécessaires, et dont chaque acte du pouvoir allait faire éclater la perfidie.

La Charte fut affichée dans Paris. Elle promettait, comme on l’a vu, la conservation des droits acquis et le respect des situations personnelles. Au