Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/113

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demment gagné le large, et tout rentra pour un temps dans le calme. En 1827, même, un concordat ayant été passé entre le roi Guillaume et le pape Léon XII, les catholiques belges parurent se rallier au gouvernement.

Mais si la Belgique était catholique, elle n’était pas cléricale avec la même unanimité. Les Belges libéraux, qui devaient leur éducation politique à la Révolution française et qui souffraient autant et plus que leurs compatriotes de la domination orangiste, n’avaient aucun motif de désarmer. Réduits à leurs seules forces, ayant en face d’eux un élément catholique prêt à se rallier au pouvoir moyennant de sérieuses concessions faites à l’esprit clérical et conservateur, ils ne pouvaient rien.

C’est de la France que vint le secours. Ce fut une idée française qui permit à la Belgique de s’unifier. « Dans le parti catholique, nous dit M. Seignobos, quelques-uns des chefs politiques venaient d’adopter une nouvelle doctrine inspirée surtout par la lecture de Lamennais. » Ce fut le jeune comte Félix de Mérode qui leur porta la nouvelle doctrine. Il était, comme nous l’avons vu plus haut, un des membres les plus actifs du petit groupe qui devait fonder l’Avenir en 1830. « Au lieu de rejeter la liberté condamnée par le Jugement doctrinal des évêques en 1815, ils la réclamaient comme favorable au triomphe de la vérité catholique. Ces catholiques libéraux ne furent peut-être pas très nombreux, mais ils prirent la direction du parti et décidèrent l’action commune avec les libéraux. » Dès lors il y eut une expression de la nationalité belge, et en 1828 les deux partis unifiés sous le titre de l’Union entrèrent résolument en lutte contre l’hégémonie hollandaise.

Le 25 août 1830, à l’issue d’une représentation de la Muette de Portici où s’étaient exaltés leurs sentiments patriotiques, les Bruxellois se soulevaient en criant : Imitons les Parisiens ! Ce ne fut d’abord qu’une émeute aux chances incertaines, ravivée et surexcitée par les alternatives d’hésitation et d’énergie du gouvernement hollandais. L’agitation parisienne, les encouragements qu’elle donna aux Belges autant que son exemple attisèrent cette flamme vacillante et, malgré la résistance de la haute bourgeoisie qui se fût contentée de l’autonomie administrative, l’incendie révolutionnaire délivra tout le pays de la domination étrangère.

Il y eut dans le même moment une tentative d’agitation en Espagne, où les troupes de la Restauration, sept ans auparavant, avaient rétabli le pouvoir absolu de Ferdinand VII. Elle fut noyée dans le sang des libéraux victimes de la duplicité de Louis-Philippe. Fidèle à son principe absolutiste et aux liens de famille, Ferdinand VII avait refusé de reconnaître le roi des barricades de juillet, et même publié un manifeste qui mortifia profondément celui-ci.

Pour se venger de ce « coquin » bon à « pendre », Louis-Philippe mit à profit l’entente étroite qui existait entre les libéraux français et leurs coreligionnaires espagnols réfugiés en France. Les ministres, Guizot et Montalivet notamment, entrèrent dans leurs plans, leur fournirent des armes et de l’argent. Les préparatifs d’une expédition furent faits ouvertement à Bayonne, où s’étaient concentrés les réfugiés espagnols. Bien entendu, et c’est ce que voulait le cauteleux Louis-