Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/114

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Philippe, le roi d’Espagne fut vite au courant de ce qui se tramait. À la révolution dans son propre pays, il préféra la royauté illégitime en France et se déclara prêt à la reconnaître. Faisant subitement volte-face, le gouvernement français retira son appui aux réfugiés, arrêta les envois d’armes et de munitions qui leur étaient destinés. Trop avancés pour reculer, travaillés par des divisions, victimes d’un point d’honneur endolori par ces divisions, ils passèrent la frontière et furent massacrés par les troupes royales. Les prisonniers furent fusillés à Irun aux cris de : Vive le roi absolu !

Le mouvement de juillet eut sa répercussion en Allemagne, nous l’avons déjà vu. Mais l’attitude des libéraux et des républicains français, leur incessante revendication de tous les pays germaniques situés sur la rive gauche du Rhin furent habilement exploités par les princes de la Confédération, qui surent exciter le patriotisme allemand en rappelant les invasions napoléoniennes. Plusieurs d’entre eux promirent une constitution, et ils eurent la paix.

Il n’en fut pas de même en Italie, où la domination étrangère la plus récente, celle qui durait encore, était naturellement la plus détestée. La révolution de 1830 y fut le signal d’un mouvement de conspirations et d’émeutes qui s’étendit à toute la péninsule. Là, il y avait unité absolue dans la pensée directrice, le patriotisme et le libéralisme enveloppaient d’une haine commune les Autrichiens, le pape et les Bourbons de Naples et de Parme. Le refus que fit le duc de Modène de reconnaître Louis-Philippe passionna l’Italie. Partout on criait : Imitons les Français ! et bientôt l’insurrection éclata à Modène, à Pérouse, à Ancône, à Bologne, et tenta de gagner la Lombardie.

On sait que les traités de 1815 avaient divisé l’Italie du Nord en une poussière de duchés et de principautés, sauf la Lombardie et la Vénétie placées sous la domination autrichienne, et le Piémont gouverné par la maison de Savoie. C’était en réalité l’Autriche maîtresse de toute cette région de la péninsule. L’absolutisme y était tatillon, bigot et féroce, opposant une résistance à la fois bureaucratique et militaire à tout essor de la pensée et de l’action. Du fait que cette région était morcelée en tant de souverainetés nominales, il fallait dix passeports pour faire un voyage de cinquante lieues. Le douanier et le policier étaient les rouages grinçants et nombreux de cette lourde machine de despotisme. Les prisons d’Autriche, de Lombardie, des duchés, étaient peuplées de libéraux et de patriotes. Certaines de ces prisons, le Spielberg notamment, ont acquis à cette époque une sinistre renommée qui dure encore.

Même régime à Naples et en Sicile ; mais l’indolence de ces populations méridionales, leur faible activité économique et leur longue habitude du despotisme le leur rendaient plus tolérable sous une monarchie qu’ils s’étaient accoutumés à considérer comme nationale. Les mouvements libéraux y furent isolés et sans grande conséquence, sinon pour leurs auteurs, qui furent traités avec rigueur.

La papauté, rentrée dans son pouvoir temporel à la chute de Napoléon, aggravait, s’il est possible, le régime imposé à l’Italie du Nord. Pie VIII avait poussé de