Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lutiste qui furent les principales causes de décadence de ce qui fut une grande nation, et peut le redevenir.

L’année 1834 s’ouvre par l’expédition, manquée, de la Jeune Italie contre le roi Charles-Albert, ancien conspirateur qui avait dépouillé son libéralisme et son patriotisme italien en montant sur le trône de Piémont. Qu’était la Jeune Italie ? Une transformation de la vieille Charbonnerie, opérée en 1831 par un jeune homme de vingt-cinq ans, ardent et autoritaire, Mazzini, qui lui donna pour devise : Dio e popolo. Mazzini, dont toute la vie fut vouée à la démocratie et à la nationalité, était un mystique dans toute la force du terme, prophète plutôt qu’apôtre, démocrate plutôt que libéral. L’âme fanatique et puissante de Savonarole revivait en lui.

Lorsque l’association eut pris des forces, il fut décidé que l’œuvre de libération commencerait par le Piémont. Une expédition fut donc organisée à Genève et à Lyon, d’où partirent deux troupes, dont l’une n’arriva à la frontière de Savoie que pour se heurter aux troupes piémontaises. L’autre, conduite par Mazzini, s’égara dans les neiges de la haute Savoie et, la fatigue ayant vaincu son chef, fut ramenée en Suisse sans avoir combattu. Il est certain que la désapprobation de la Charbonnerie, alors dirigée par le vieux communiste Buonarotti, eut une part assez grande dans l’échec d’une entreprise qui, par ailleurs, n’avait pas beaucoup plus de chances de réussite que celle tentée quelques mois auparavant en Vendée par la duchesse de Berri.

Gênes, qui devait se soulever en même temps que la Savoie, ne bougea pas. Il y eut un peu partout, dans les États de Charles-Albert, des arrestations, des condamnations, des exécutions. C’est de Gênes, où il était alors, que Garibaldi s’échappa pour passer à Marseille, et de là dans l’Amérique du Sud, où commença son admirable carrière de champion armé des peuples opprimés.



CHAPITRE VIII


L’ACTION OUVRIÈRE


Les ouvriers dans les sociétés républicaines. — Infériorité politique et juridique des ouvriers sous Louis-Philippe. — Les grèves de 1830 à 1833. — Le compagnonnage et ses mystères. — Combats entre gavots et dévorants. — Comment, dès 1830, le compagnonnage évolue en syndicat. — Le rôle syndical des sociétés ouvrières de secours mutuels. — L’émeute des quatre sous à Anzin. — La grève des tailleurs de Paris. — Les passementiers de Saint-Étienne.


Nous avons dit de notre mieux, et sans noircir le tableau, quelle était la situation de la classe ouvrière au moment de la révolution de 1830. Dans notre récit de l’insurrection de Lyon, nous avons pu observer que l’ébranlement politique reçu par toute la nation n’avait pas remué partout les couches profondes de la population ouvrière. De fait, il n’y a guère qu’à Paris, où les ouvriers ont construit les bar-