Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/265

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associations. Par cette nouvelle loi, les sections de moins de vingt personnes étaient interdites, les réunions également, même non périodiques, tous les membres d’une association étaient poursuivis indistinctement ; enfin les jugements pour le délit d’association étaient enlevés au jury, remplacé par le tribunal correctionnel.

Non, la propagande révolutionnaire n’est pas morte. C’est même le moment où elle déploie le plus d’activité et manifeste le plus d’audace. Aux Amis du Peuple ont succédé les Droits de l’Homme, qui formaient auparavant une section révolutionnaire de cette société. Contre un mouvement qui gagnait avec rapidité en force et en énergie, le pouvoir n’avait plus de recours que dans l’arbitraire. « Ceux qui en doutaient, dit Louis Blanc, comme MM. Bignon, Béranger, Odilon Barrot, ne savaient pas combien il y aurait eu, dans la démocratie organisée, de puissance et de vigueur. »

En succédant aux Amis du Peuple, société qui recrutait publiquement ses adhérents et qui se vouait surtout à la propagation des idées, les Droits de l’Homme s’orientèrent vers l’action sous toutes ses formes et par tous les moyens. Organisée en sections de moins de vingt et un membres, cette société échappait aux prises de l’article 291. D’où les modifications proposées par le gouvernement afin d’en finir avec ce dangereux ennemi.

Quelle était la force réelle de la société des Droits de l’Homme ? D’après de la Hodde, qui en faisait partie pour l’espionner, « Paris comptait 163 sections qui devaient fournir un effectif de 3.260 hommes, à 20 par section ; mais ce chiffre ne fut pas atteint, à beaucoup près. » Nous devons l’en croire.

L’organisation de la société était assez compliquée. Il y avait à la tête, dit l’agent secret, « un comité composé de onze membres appelés directeurs ; sous les ordres des directeurs, douze commissaires : un par arrondissement ; puis, quarante-huit commissaires de quartier, subordonnés aux commissaires d’arrondissement. Les commissaires de quartier étaient chargés de former des sections composées d’un chef, d’un sous-chef, de trois quinturions et de quinze hommes au plus. Ce chiffre de vingt membres était fixé pour éluder la loi ; dans le même but, chaque section devait porter un nom différent. À la rigueur, on pouvait admettre que c’était autant de sociétés différentes, se tenant par leur nombre dans les prescriptions du code ». Il y avait la section Robespierre, celle des Montagnards, Mort aux Tyrans, de la Gamelle, de Marat, des Gueux, de Babeuf, des Truands, de Louvel, du Tocsin, du Bonnet phrygien, de l’Abolition de la Propriété mal acquise, de Couthon, de Lebas, de Saint-Just, du Niveau, de Ça Ira, de l’Insurrection de Lyon, du Vingt et un Janvier, de la Guerre aux châteaux, etc. Mais par ailleurs l’unité de l’association s’affirmait sans détours : « La qualité de membre des Droits de l’Homme était avouée hautement ; des républicains qui écrivaient aux journaux plaçaient fort tranquillement ce titre sous leur signature. »

Tout d’abord, l’influence dans la société avait été aux modérés, aux partisans de la propagande pacifique. Raspail entendait convaincre et séduire, non con-