Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/382

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porter à réaliser son idéal, formulé par lui dans l’Européen, en 1831. Cet idéal, c’était la coopération de production, qui devait se développer au fur et à mesure les facultés administratives et techniques des ouvriers qui la pratiqueraient.

Dans les premiers numéros de L’Atelier. les rédacteurs associés indiquèrent, en manchette, le fonctionnement de leur journal. Nous croyons intéressant de le reproduire ici textuellement :

« Organisation du travail. — L’Atelier est fondé par des ouvriers, en nombre illimité, qui en font les frais. Pour être reçu fondateur, il faut vivre de son travail personnel, être présenté par deux des premiers fondateurs, qui se portent garants de la moralité de l’ouvrier convié à notre œuvre. (Les hommes de lettres ne sont admis que comme correspondants.) Les fondateurs choisissent chaque trimestre ceux qui doivent faire partie du comité de rédaction. Ont été nommés pour le premier trimestre : MM. André Martin, charpentier ; Anthime Corbon, typographe ; Lambert, commis négociant ; Devaux, typographe ; Lambert, cordonnier ; Garnier, copiste ; Petit-Gérard, dessinateur en industrie ; Delorme, tailleur ; Garnot, bijoutier ; Véry, menuisier ; Lehéricher, teneur de livres ; Gaillard, fondeur ; Chavent, typographe ; Belin, tailleur ; Varin, ouvrier en produits chimiques, membres du comité de rédaction. »

L’article-programme confirme qu’il s’agit là d’un journal « adressé à des ouvriers par des ouvriers ». Aussi, disent les rédacteurs, « en prenant la plume, nous ne quitterons point l’atelier ». Sortant du syndicalisme étroit où nous venons de voir s’enfermer les grèves qui prennent fin à ce moment même, les membres du comité tiennent à prouver qu’ils sont « l’avant-garde des travailleurs » et « que la réorganisation du travail est plus qu’une question industrielle, mais un problème politique ». Comment n’en serait-on pas convaincu lorsqu’ils auront montré « toutes les misères qui tourmentent la plus grande partie du peuple » !

Après une charge à fond contre « les odieux calculs des écrivains corrupteurs » qui dépravent les ouvriers en prétendant les instruire, « ces spéculateurs ignobles » qui sèment parmi eux « les mauvais livres écrits pour les marquis débauchés des cours du Régent et de Louis XV », l’Atelier conclut ainsi :

« Nous avons prouvé que les ouvriers ne sont pas capables seulement de pratiquer la fraternité et le dévouement, mais qu’ils sont dignes aussi de la liberté et de l’égalité, dignes des droits politiques, dignes d’être affranchis de la servitude industrielle où ils vivent. Et si alors nous faisons voir que l’affranchissement est possible, si nous en montrons le moyen, qui pourra nous en refuser l’usage ? »

Dans un article adressé « aux ouvriers menuisiers, maçons et tailleurs de pierre », l’association est indiquée comme un moyen de mettre fin au