Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/454

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qui refuse de le recevoir, vient de traiter avec la compagnie Bulot. On pense bien que le capitaliste anglais refusa de se laisser jouer. Fort de ses relations, il fit du tapage, et le projet Bulot échoua devant la Chambre des Pairs, le 9 juillet 1843, grâce à un mémoire où la correspondance du ministre avec le demandeur évincé était publiée tout au long. On ne devait pas tarder à connaître le secret des complaisances de Teste pour certains entrepreneurs.

Nous sommes au moment où l’argent affirme sa toute-puissance, transforme tout en marchandise, trouble toutes les consciences qui sont en contact avec lui. C’est lui qui donne le pouvoir politique à ceux qui le désirent par vanité ou pour mieux servir leurs intérêts. Les élections de 1842 en avaient, sous ce rapport, donné des exemples si frappants, si publics, si effrontément flagrants, que la Chambre avait dû, ne fût-ce que pour empêcher le public de rechercher si une telle pratique n’était pas générale, nommer une commission d’enquête sur les élections d’Embrun, de Carpentras et de Langres.

La commission, dont la majorité était ministérielle, s’attacha surtout à dégager la responsabilité du gouvernement des faits de corruption et de pression qu’elle fut bien forcée de constater. Et pourtant, que de précautions elle avait prises pour que son enquête n’aboutît qu’à des résultats insignifiants. Tout d’abord, elle n’avait réclamé, que contrainte et forcée par sa minorité, les pouvoirs nécessaires. Le ministre de l’Intérieur Duchâtel, avait interdit à ses fonctionnaires de venir déposer devant elle. Cependant, le ministre de la Justice le permit aux siens. La commission fut donc à peu près réduite aux dépositions des particuliers, sans aucun moyen d’ailleurs pour les contraindre à dire ce qu’ils savaient, et à ne dire que la vérité.

D’ailleurs, le rapporteur Portalis acceptait l’ingérence officielle dans les élections. « Si le gouvernement, disait-il dans la séance du 5 mai, ne se défendait pas dans les élections, s’il ne s’y faisait pas représenter par des agents qui ne doivent exécuter que des instructions honorables, je n’en suppose pas d’autres…

« À gauche. — Allons donc ! allons donc !

« M. Portalis. — Je ne dis rien là qui n’ait été dit maintes fois. Je dis que l’action des partis serait un dissolvant devant lequel aucun ministère ne résisterait, devant lequel le gouvernement lui-même croulerait. »

On remarqua que la gauche ne protestait pas, n’en était pas encore à protester contre l’action du gouvernement dans les élections. Elle doutait seulement que cette action se fut tenue dans des limites raisonnables, et qu’il n’eût été donné aux fonctionnaires que des « instructions honorables ». On s’en étonnerait si l’on ne savait que des paroles telles que celles-ci, prononcées par le comte de Gasparin, furent interrompues, dans cette séance, par les applaudissements du centre :

« Annuler l’action légitime, l’action régulière, l’action honorable des