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1856, après une menace de l’ambassadeur d’Autriche, Esterhazy de demander ses passeports, et sur les conseils du roi de Prusse, le tsar cédait.

Un congrès se réunit alors pour régler définitivement les questions orientales. Les diplomates français avaient joué pendant la guerre, dans les négociations dont Vienne était le centre, un rôle assez important pour que le Congrès se réunît à Paris.

L’œuvre en fut aisée et prompte : on négociait, on l’a vu, depuis longtemps. En deux jours, le 28 février et le 1er mars 1856, deux points furent réglés : l’abolition du protectorat russe dans les principautés et la souveraineté ottomane garantie par L’Europe. Les Russes reprenaient Sébastopol et Aland, mais ne pouvaient plus les fortifier. Le 4 mars, le point le plus délicat était réglé : la neutralisation de la mer Noire était solennellement proclamée. Enfin, le 6, la libre navigation du Danube était établie, sous le contrôle d’une Commission internationale. L’Angleterre avait ce qu’elle désirait : Palmerston pouvait proclamer la paix « bonne, excellente, avantageuse ».

De leur côté, les Français et leur Empereur étaient également satisfaits. Les uns se félicitaient que le Congrès de Paris les vengeât des humiliations de 1840 ; et ils comparaient, non sans orgueil, le nouveau Congrès, solennellement présidé par le neveu, à un autre Congrès, à celui de 1815, où l’Europe victorieuse avait écrasé la France napoléonienne et révolutionnaire. L’autre aussi était heureux. Le 10 Mars, l’Impératrice venait de lui donner un fils ; et le 30 Mars, la paix européenne heureusement conclue, sous son patronage, assurait l’avenir de sa dynastie. « Il y a eu, disait un témoin, dans notre histoire nationale des époques autrement glorieuses au point de vue militaire ; je n’en connais pas où le gouvernement de notre pays ait été entouré au dehors de plus d’estime et d’admiration ».

Cette fois, l’Europe entière avait reconnu et célébré le Napoléon ; la France, glorieuse, semblait avoir oublié décembre.

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Lorsqu’il ouvrait le 16 Février 1857 la dernière session du Corps législatif, élu en 1852, l’Empereur pouvait ainsi résumer l’œuvre des cinq années qui venaient de s’écouler : « Messieurs les députés, disait-il, puisque cette session est la dernière de votre législature, permettez moi de vous remercier du concours si dévoué et si actif que vous m’avez prêté depuis 1852. Vous avez proclamé l’Empire ; vous vous êtes associés à toutes les mesures qui ont rétabli l’ordre et la prospérité dans le pays ; vous m’avez énergiquement soutenu pendant la guerre ; vous avez partagé mes douleurs pendant l’épidémie et pendant la disette ; vous avez partagé ma joie quand le ciel m’a donné une paix glorieuse et un fils bien-aimé ; votre coopération loyale m’a permis d’asseoir en France un régime basé sur la volonté et les intérêts populaires. C’était une tâche difficile à remplir, et pour laquelle il fallait un véritable patriotisme, que d’habituer le pays à de nouvelles institutions.