Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/294

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l’Impératrice Charlotte, qui par ambition de régner et par fanatisme catholique l’avait décidé à partir, fit alors le voyage d’Europe pour supplier l’Empereur des Français de ne pas abandonner son mari. Elle obligea Napoléon III à la recevoir ; elle lui rappela ses engagements, ses promesses ; pleura, supplia, et pour l’intimider, menaça d’abdiquer. Ce fut en vain. Elle vit les ministres, les hommes politiques ; elle trouva partout la même sympathie mais le même aveu d’impuissance. Navrée, désespérée de n’obtenir ni un homme, ni un écu, elle refit en sens inverse les étapes de son voyage vers le Mexique ; elle s’en fut à Miramar, près de sa famille, à Rome, près du pape. La première crise du mal qui devait la tuer, la saisit là : elle devenait folle (septembre 66). Au mois de décembre, Maximilien, aidé seulement de quelques derniers représentants du parti réactionnaire, tentait un dernier effort. Résistant aux conseils que lui transmettait de la part de Napoléon III le maréchal Castelnau, il refusait d’abdiquer. Alors les événements se précipitèrent. En mars 1867, Bazaine rassemblait les derniers bataillons français, et les galants officiers de l’expédition faisaient retenir leurs places aux représentations de la Belle-Hélène. Maximilien tentait cependant une dernière fois de résister, de s’imposer au pays tout entier, soulevé contre lui ; mais la trahison d’un de ses officiers le livrait en mai à Juarez. Les démarches des diplomates, les arguments des avocats, tout échoua pour sauver le malheureux archiduc : l’Indien voulait sa vengeance. Une commission militaire le condamna à mort avec l’initiateur de l’intrigue, Miramon et l’Indien Méjia qui l’avait soutenu. Les condamnés avaient obtenu, au moment même où ils allaient être exécutés, un répit de trois jours : les dernières supplications ne purent avoir raison de Juarez, qui voulait un exemple, pour l’avenir de sa patrie. Le 19 juin, sans pitié, les trois condamnés furent exécutés. Et il fallut plus de six mois pour que la famille impériale d’Autriche put obtenir le corps déchiré de celui qui avait été, sur les instances de l’Empereur des Français, l’Empereur du Mexique.

A l’heure où elles parvinrent, ces nouvelles lugubres impressionnèrent l’opinion. C’était l’écroulement de toute la gloire impériale. La responsabilité morale du désastre retombait tout entière sur le triste souverain qui avait poussé à l’expédition.

De toutes parts, alors, son autorité apparaissait ébranlée. S’il n’avait pas obtenu de compensation pour sa neutralité bienveillante pendant la guerre des duchés ou la lutte austro-prussienne, il se flattait peut-être encore de n’avoir pas perdu toute l’influence, toute l’autorité morale que l’Europe lui avait reconnue en 1856 ; et les fêtes et les réceptions de 1867, la venue de tous les souverains dans la capitale renouvelée, pouvaient lui faire illusion. Mais son intervention en faveur du Nord-Schleswig lui prouvait quelques semaines plus tard que même cette influence était anéantie.

Aux termes du traité de Prague, les populations de ce pays devaient être consultées et rattachées au Danemark, si elles le désiraient. Ce vote de