Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/322

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sursaut, une recrudescence de poursuites, et probablement de coalitions : 66 affaires, 161 prévenus, 150 condamnés.

Fatalement, l’Internationale devait s’occuper de ces conflits. La grande association d’études de la classe ouvrière ne pouvait demeurer indifférente ni à leurs causes, ni à leurs effets. Il suffit qu’un jour elle intervint dans une de ces luttes pour devenir, du coup, populaire.

En février 1867, les bronziers de Paris s’étaient mis en grève. Leur société de secours mutuels était puissante et agissante ; les patrons avaient résolu de la briser. Le 14 février, 22 ouvriers de la maison Barbedienne reçurent l’ordre de quitter la Société de secours mutuels. Tout le personnel se solidarisa avec eux, et l’on répondit à l’ultimatum patronal par une demande de révision de tarif. Après quelques jours, M. Barbedienne repoussa les demandes ; les patrons se solidarisèrent avec lui.

Les ouvriers répondirent, en faisant signer dans les ateliers la simple et noble déclaration suivante : « Nous soussignés déclarons avoir l’honneur de faire partie de la société du crédit mutuel des ouvriers du bronze, qui a pour but de garantir à chaque travailleur une rétribution plus en rapport avec les besoins de la vie, et protestons d’avance contre toute société tendant à abaisser la conscience et la dignité de l’homme ».

Une question de dignité n’a jamais laissés indifférents les prolétaires parisiens. Toutes les corporations s’émurent de la lutte des bronziers. La Société des ferblantiers avança 5.000 francs, plus des deux tiers de son capital ! Les typographes et les sculpteurs sur bois, deux corporations qui se trouvaient elles aussi à la veille d’un conflit, n’hésitèrent point à prêter presque tout leur avoir. Et un appel fut adressé aux ouvriers parisiens par dix-huit militants connus.

Parmi les signataires se trouvaient des membres de l’Internationale ; malgré son hostilité foncière pour les grèves, le groupe parisien ne pouvait demeurer indifférent à celle-là. Presque tous les membres du bureau du bronze faisaient d’ailleurs partie de l’association, Camélinat, Arsène Kin, Valdun, Tolain et Fribourg passèrent la Manche, firent appel à la solidarité des Unions anglaises, et purent obtenir quelques billets de mille francs. L’impression fut immense, quand ils les apportèrent dans une réunion de Ménilmontant, à laquelle assistaient les patrons dissidents. La grève ne dura que peu de jours après ; les patrons cédèrent. Mais surtout, le retentissement de l’événement fut énorme. On parla couramment dans les masses ouvrières des millions de l’Internationale.

Les hommes prudents du bureau parisien craignaient cependant de devenir des fauteurs de troubles, d’exciter à la guerre sociale. Comme les tailleurs de Paris, quelques jours plus tard, se déclaraient en grève, ils se refusaient à les aider ; et ils résistaient également, s’il faut en croire Héligon, aux velléités de grève que manifestaient toujours les ouvriers du bâtiment.