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Enfin, encore an même temps, en cette fin de mars 1867, ils prenaient position, avec netteté et courage, en face des événements de Roubaix.

Le 15 mars, en effet, les patrons de Roubaix avaient, après entente, affiché un règlement draconien, dans toutes les usines de la ville, « L’ouvrier, disait l’article 3, conduira deux métiers à la fois si le patron le juge convenable et si l’ouvrier s’est engagé pour cela. — L’ouvrier qui, par imprudence prouvée, brisera ou détériorera une pièce quelconque de son métier, sera tenu de payer la valeur du dommage (art. 12). — Les pièces mal faites supporteront un rabais proportionné à la gravité des défauts (art. 13) ».

Le 15 mars, la réponse des ouvriers fut terrible. En quelques heures, des usines furent saccagées ; les métiers furent brisés ; des incendies éclatèrent. Le soir, des troupes occupèrent la ville ; 87 arrestations furent opérées.

Par un manifeste, signé de ses trois correspondants, Tolain. Fribourg, Varlin, la commission parisienne proclama « le droit des ouvriers à une augmentation proportionnelle, alors que, par un nouvel outillage, une production plus considérable leur est imposée » ; elle flétrit les règlements imposés aux travailleurs de Roubaix, « règlements faits pour des serfs et non pour des hommes libres » ; et elle signala que, dans cette grève d’abord calme, l’intervention de la gendarmerie n’avait pu qu’irriter les ouvriers qui croyaient y voir une pression et une menace ».

Mais se tournant alors vers les ouvriers de Roubaix, elle les conjurait de rester calmes.

« Quels que soient, disait-elle, vos justes griefs, rien ne peut justifier les actes de destruction dont vous vous êtes rendus coupables. — Songez que la machine, instrument de travail, doit vous être sacrée ; songez que de pareilles violences compromettent votre cause et celle de tous les travailleurs. Songez que vous venez de fournir des armes aux adversaires de la liberté et aux calomniateurs du peuple.

Il y avait peut-être d’autres choses à dire, en la circonstance, d’autres leçons à tirer des faits. Il faut louer cependant la sincérité de ces hommes qui, au milieu d’une propagande plutôt pénible, ne firent jamais de battage ni de surenchère. D’ailleurs, en terminant, loin de renier leurs frères violents, ils proclamaient « la solidarité d’intérêts et de misère » qui les unissait à eux et ils demandaient à chacun de leur donner appui, matériel et moral.

Tous ces mouvements, toutes ces manifestations, fléchissement des affaires, opposition protectionniste, grèves, émeutes ouvrières, poussaient naturellement le gouvernement impérial à hâter les quelques réformes sociales auxquelles il était à peu près décidé à consentir. Plus que jamais, depuis Sadowa, puisqu’il lui avait été impossible de retrouver l’enthousiasmé populaire de 1859, Napoléon III devait chercher à gagner la confiance ouvrière en hâtant la réalisation des réformes promises.

Depuis qu’ils avaient pu de nouveau élever la voix, les ouvriers avaient énergiquement réclamé l’instruction gratuite et obligatoire. En 1867, le