Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/369

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l’idée même que la classe ouvrière se faisait de l’Internationale, secourir les travailleurs en lutte ; et ils devaient d’autre part les organiser, les entraîner dans la grande lutte qui se développait : « Vous nous direz, écrivait encore Varlin à Aubry (8 janvier 1869), si les efforts faits par vous près des cotonniers des autres maisons (pour les décider à la grève) nous permettent d’arriver à un résultat favorable. Dites-leur bien qu’ils doivent se soutenir entre eux d’abord, afin de mériter l’appui de leurs frères des autres pays dans le cas où la lutte se généraliserait. Dites-leur surtout qu’ils doivent se grouper, s’organiser, se solidariser, entrer dans la ligne internationale des travailleurs pour s’assurer le concours de tous et pouvoir parer à toutes les mauvaises éventualités. » (Troisième procès, p. 18).

C’était, on le voit, par un effort d’organisation corporative que se traduisait l’intervention de l’Internationale dans les grèves. Varlin, Malon, Combault, Camélinat, — il ne faut point l’oublier — étaient avant tout des syndiqués, des membres des sociétés de résistance ; et c’était par l’élargissement naturel de leur action corporative qu’ils en étaient venus à concevoir et pratiquer la politique ouvrière, que formulait l’Internationale.

Or, plus que jamais, le prolétariat semblait alors disposé à les écouter et à comprendre l’utilité de la besogne syndicale. Les travaux de la commission ouvrière, les réunions du passage Raoul avaient donné une nouvelle impulsion aux associations professionnelles. De 1868 à 1870, elles se multiplièrent. En 1868, c’étaient les ébénistes, les tailleurs, les peintres, les mécaniciens qui s’étaient organisés. A la veille de la guerre, ces derniers compteront 5.000 membres. En 1809, ce fut le tour des chapeliers de Paris, des tisseurs de velours uni, à Lyon, des charpentiers de Paris, des porcelainiers de Limoges. (Cf. Paul Louis, Histoire du mouvement syndical en France, p. 120 et sq.)

Ces organisations syndicales offraient pour ainsi dire aux socialistes un nouveau champ d’action, et plus sûr, que les réunions publiques. Au lieu d’ouvriers dispersés, c’étaient désormais des travailleurs organisés qu’ils pouvaient espérer gagner en bloc à l’Internationale, et par elle, à l’action révolutionnaire. Au lieu d’adhésions individuelles, c’étaient les adhésions collectives des sociétés qu’ils allaient solliciter. On avait bien fondé quelques groupes de travailleurs, susceptibles de devenir de nouvelles sections de l’Internationale, un Cercle d’études sociales, un autre groupe appelé les Travailleurs-Unis etc. L’avenir n’était pas là. L’avenir de l’Internationale, c’était d’obtenir peu à peu l’adhésion directe des « sociétés coopératives » ou pour parler plus exactement, des syndicats.

Dès août 1809, la société des lithographes avait voté son adhésion. La société des relieurs conduite par Varlin adhérait déjà depuis longtemps. Peu à peu, d’autres sociétés discutèrent de leur adhésion. Et tel fut le mouvement sur la fin de 69 que Varlin pouvait annoncer au Congrès de Bâle, en