Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/83

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hardiesse d’initiative. Il ne fut pas déçu. « Tout est grand, en cet homme, disait Rouher : les qualités et les défauts. » Haussmann avait été accueilli à l’Hôtel de ville avec hostilité et malveillance : dès le premier jour, il s’imposa. Et il se mit à l’œuvre.

Il avait bien saisi l’esprit de la politique impériale. En facilitant la circulation, surtout aux abords des gares, par de grandes voies de pénétration, on montrerait encore une fois le souci que l’Empire avait des affaires. En dégageant les grands édifices, palais, églises, casernes, — en perçant de larges, droits et beaux boulevards, — en créant de toutes pièces une ville jolie, agréable à visiter, on attirerait les étrangers « qui rembourseraient les frais des bâtisses ». A la classe ouvrière, on assurerait du travail, on donnerait des logements plus sains, plus gais, par la destruction de toutes les ruelles infectes et mal famées… Mais à la bourgeoisie, aussi, on assurerait la paix, dans les larges voies, inaptes aux barricades, impropices à l’émeute ;

Avec une audace insolente qui défiait tous les obstacles, en dépit de l’hostilité sourde de l’administration ou des corps constitués, M. Haussmann accomplit ce travail. De l’argent il se souciait peu. « Les dépenses extraordinaires, déclarait-il, ne sont pas les ennemies des budgets ; si elles sont faites avec intelligence, elles enrichissent, loin d’appauvrir, et amènent un accroissement général de revenu ».

La première application du plan grandiose de M. Haussmann fut le percement de la « grande croisée » de Paris, les deux grandes artères perpendiculaires qui devaient se couper au centre même de la capitale, l’une amorcée déjà par le boulevard de Strasbourg, se continuant par le boulevard du Centre bientôt devenu boulevard de Sébastopol), et se poursuivant sur l’autre rive jusque vers l’Observatoire, — l’autre, allant de l’Est à l’Ouest, de la barrière du Trône à celle de l’Etoile, et qui ne demandait pour être complète que l’achèvement de la rue de Rivoli. Il nous faut passer sur tous les détails de cette œuvre, et sur toutes celles qui s’y ajoutèrent : le boulevard Haussmann, le boulevard Malesherbes dans les quartiers du Nord-Ouest, le boulevard Magenta et le boulevard Richard-Lenoir dans ceux du Nord-Est ; la disparition des ruelles de la Cité ; le dégagement du Luxembourg ; le parc Montceau, le parc Montsouris, l’aménagement du bois de Boulogne et du bois de Vincennes ; la construction de fontaines monumentales, d’églises, et surtout celle des Halles centrales. Les quais étaient refaits. Le sous-sol bouleversé donnait place aux tuyaux d’égoûts, aux canalisations d’eau et de gaz. Jamais, on n’avait remué, dans Paris, tant de matériaux de construction.

Dans la même période, et conformément à la même politique, toutes les grandes villes de province subissaient des métamorphoses analogues. Le gouvernement y incitait les municipalités ; les nouveaux établissements industriels, les chemins de fer et leurs gares y invitaient les habitants. A Marseille, les nombreux bassins, dont la construction avait été commencée en 1844, furent terminés et ouverts : Notre-Dame-de-la-Garde fut