Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/84

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reconstruite et l’on entreprit, en 1858, la nouvelle cathédrale. De la même époque datent la Préfecture, le Palais de Justice, la Bourse et le Palais de Longchamps. Le port du Havre était également agrandi ; Lyon, Lille s’embellissaient. Toutes les villes se perçaient de larges boulevards.

Tous ces grands travaux assuraient de l’ouvrage à la classe ouvrière, à celle des grandes villes du moins, à celle dont la misère aurait pu ranimer l’ardeur révolutionnaire. Sans doute la prospérité industrielle faisait monter le prix de toutes les denrées ; et la taxe de la viande ou la caisse de la boulangerie se montraient impuissantes à diminuer le coût de la vie. Sans doute aussi, et par l’effet des grands travaux, la classe ouvrière trouvait de plus en plus difficilement des loyers d’un prix abordable ; mais la continuité et l’intensité du travail rendaient plus supportable la différence entre l’augmentation des salaires et celle, beaucoup plus considérable, des denrées alimentaires et des logements. Un historien l’a dit dans une formule heureuse : « Les travaux publics furent pour la capitale ce qu’avaient été les distributions de blé pour la Rome impériale ». Les cérémonies de la cour, ou les fêtes, qui devaient attester la splendeur du nouveau régime, concouraient aussi au même but ; le Moniteur l’affirmait du moins, et démontrait aux grincheux que « la dépense d’un grand bal retombait comme une pluie d’or sur toutes les industries ». Tout ce travail apportait au peuple le milliard que Barbès lui avait promis. Disons plutôt qu’il le gagnait à la sueur de son front.

Le gouvernement connaissait « les effets moralisateurs du travail ». Il tenait à assurer le plus grand bonheur possible à la classe ouvrière ; mais il savait que les ouvriers avaient besoin « d’être surveillés » et « d’être instruits ». Toutes les misères révolutionnaires ne venaient-elles point de ce défaut d’éducation et du défaut de surveillance ? Dans toutes les mesures prises par le Second Empire à l’égard des classes ouvrières, on remarque ce double esprit : l’esprit de protection, de patronage et l’esprit policier, l’esprit de surveillance, hostile à tout effort d’émancipation. Proudhon avait raison de montrer que l’Empire industriel était l’aboutissant nécessaire de la féodalité industrielle, protectrice et exploiteuse.

En matière d’assistance et de patronage, les initiatives gouvernementales furent assez nombreuses. « La pensée d’améliorer le sort de ceux qui souffrent et qui luttent contre les difficultés de la vie était constamment présente à la pensée du gouvernement ». Il fallait le prouver.

Un décret de 1852 réforma et réglementa les Monts-de-Piété. Des succursales furent créées dans Paris. Nous avons déjà dit comment le décret du 22 janvier 1852, ordonnant le retour à la nation des biens de la famille d’Orléans, avait fait la part large à la classe ouvrière : 10 millions avaient été destinés à l’amélioration de ses logements. Dans les temps de crise et de disette, comme en 1853, lorsque les grands travaux ne suffisaient pas à protéger contre la misère, des souscriptions furent patronnées ou même directement