Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/171

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moyenne et tempérée : « sous le couvert d’intérêts conservateurs, des tendances républicaines commencent à s’agiter, et la coalition des ultramontains et des républicains se servirait du Parlement du Sud pour renverser l’autorité des gouvernements particuliers, qui sont déjà minés nuit et jour par une presse sans frein, et pour réaliser le plan de ceux qui se proposent une Fédération républicaine des États du Sud avec rattachement à la Prusse. Il y a des indices que la France ne verrait pas cette combinaison d’un mauvais œil ; car, sur des formations d’État aussi incohérentes, elle pourrait étendre son protectorat. »

Et Hohenlohe conclut qu’il faut se hâter de conclure un arrangement tel quel, qui, en rassurant les États du Sud sur leur autonomie, ménage cependant la possibilité d’une union plus étroite avec le Nord. Mais cela même devenait plus malaisé de jour en jour. M. de Bismarck ne s’énerve pas cependant, ou il maîtrise et dissimule son énervement ; et, le 23 juin 1869, il répète à M. de Hohenlohe : « L’évolution allemande ira très lentement, et la Prusse a trop à faire dans la Confédération de l’Allemagne du Nord pour appeler dans cette Confédération des éléments hétérogènes, ou pour conclure un pacte fédéral avec ces éléments, qui ne pourraient que troubler le processus de cristallisation de l’Allemagne du Nord. »

Mais de Hohenlohe précise le danger. Non seulement les États du Sud ne veulent pas s’engager plus avant, mais ils veulent restreindre le plus possible les obligations résultant pour eux de la convention militaire. Ils craignent, s’ils entrent dans la guerre, d’être dépouillés ensuite de leur indépendance, et ils demandent des garanties préalables. M. de Bismarck répond que la Prusse ne serait pas assez vile pour imposer à ses compagnons de lutte des conditions inacceptables. Et il déclare nettement qu’il ne croit pas, qu’il ne peut croire à la défection de la Bavière, qui risquerait d’être démembrée entre la Prusse et l’Autriche.

Pendant qu’il en est réduit, avec les États du Sud, à ajourner indéfiniment ses espérances et même à faire entendre des menaces, M. de Bismarck voit l’Autriche s’enhardir. M. de Beust soutient contre le chancelier de l’Allemagne du Nord une polémique incessante. M. de Hohenlohe, note le 21 décembre 1868 : « Frœbel était aujourd’hui chez moi, revenant de Berlin et de Vienne. Il m’a raconté qu’à Vienne les dispositions étaient complètement changées. Tandis que l’année précédente on avait cru à la dissolution de l’Autriche, la confiance en soi est maintenant de nouveau très grande, et l’on va jusqu’à être décidé à demander que l’Allemagne du Sud se rattache à l’Autriche, pour que l’Autriche ne soit pas entièrement magyarisée. »

En tout cas, quand M. de Hohenlohe, le 25 août 1869, visite à Vienne M. de Beust, celui-ci ne craint pas de déclarer qu’avant tout son intérêt est de garder de bons rapports avec la France, et qu’il ne peut garder ces bons rapports s’il laisse à la Prusse la main libre en Allemagne. La France se