Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/200

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d’ailleurs, qu’il s’était mis en communication avec le prince Léopold et son père, pour connaître exactement la manière dont ils envisagent l’émotion provoquée par cette affaire et régler lui-même sa conduite ; il a ajouté que, s’ils étaient disposés à retirer leur acceptation, il approuverait cette résolution ; qu’il attendait leur réponse, et qu’il s’expliquerait plus complètement avec moi dès qu’elle lui sera parvenue. J’ai vainement cherché à savoir à quel moment Sa Majesté recevrait cette réponse ; le Roi m’a seulement dit qu’il ne pouvait traiter un point si délicat par le télégraphe, en me donnant à entendre, toutefois, qu’il ne saurait tarder à connaître le sentiment des princes.

« Faut-il conclure, du langage que m’a tenu le Roi, qu’il a résolu de se conformer à nos vœux, en laissant au prince de Hohenzollern l’initiative de sa renonciation, au lieu de la lui conseiller, afin d’éviter ainsi de faire personnellement une concession qui pourrait être sévèrement appréciée en Allemagne, ou bien ne veut-il que gagner du temps pour prendre avant nous des dispositions militaires, et laisser en même temps approcher la convocation des Cortès, afin de soutenir ensuite qu’il convient d’attendre le vote de cette assemblée ? En ne considérant que son attitude et ce que j’ai recueilli dans son entourage, j’inclinerais peut-être à apprécier comme plus vraisemblable la première de ces deux hypothèses, si nous n’étions autorisés à nous montrer incrédules ou du moins défiants.

« Si la réponse du Roi eût été simplement évasive, je ne me serais pas retiré sans le constater respectueusement ; mais je ne pouvais rien objecter au désir de Sa Majesté de se concerter avec les princes de Hohenzollern avant de me faire connaître sa résolution, au moment surtout où elle me donnait l’assurance qu’elle ne tarderait pas à me mettre à même de vous en instruire.

« Je reçois votre dépêche en date d’aujourd’hui, 2 heures (c’est celle qui lui interdisait d’aller trouver directement le prince de Hohenzollern) ; je m’y conformerai. »

Le rapport et la lettre particulière qui l’accompagnait ajoutent peu de choses essentielles au résumé télégraphique. S’il n’était pas convenu que, dans les relations internationales, faites de ruses et de violences, c’est-à-dire de barbarie, le mot de mensonge n’a pas de sens, le roi mentait quand il déclarait que son gouvernement n’avait pas été mêlé à la négociation : c’est M. de Bismarck qui l’avait conduite.

Mais si le roi cherchait à dégager ainsi son gouvernement et à enlever toute signification politique à la candidature Hohenzollern, voulait-il seulement gagner du temps, ou bien rendre plus facile pour lui-même le retrait de la candidature ? Pendant tout l’entretien, il s’efforce de maintenir que toute l’initiative est venue du prince Léopold, et qu’il s’est borné à donner, comme chef de famille, son consentement. Pour bien marquer d’ailleurs qu’il n’a pris encore aucune décision, et qu’il ne donnera pas de conseils, il se demande si en retirant son acceptation à l’Espagne le prince ne va pas déchaîner en