Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/216

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celui-ci des garanties pour l’avenir. est-ce que l’écho des protestations violentes des bonapartistes autoritaires suffit à troubler l’Empereur ? Lui parut-il impossible de rompre avec ceux qui affectaient de vouloir lui maintenir ou lui restituer l’intégrité de sa puissance et de son prestige ? Pensa-t-il que les manifestations tumultueuses d’une partie du Corps législatif traduisaient le véritable état de l’opinion ?

Précisément, la formule d’interpellation lue par M. Clément Duvernois, à la séance de l’après-midi, posait la question des garanties pour l’avenir : « Nous demandons à interpeller le gouvernement sur les garanties qu’il a stipulées ou qu’il compte stipuler pour éviter le retour de complications successives avec la Prusse. » C’est selon cette formule qu’allait agir la diplomatie impériale, devançant le débat. Ou bien, comme beaucoup l’ont supposé, l’intervention de l’impératrice Eugénie fut-elle décisive ? Sur ce point, le duc de Gramont a gardé le silence. M. Émile Ollivier, que l’Impératrice n’aimait pas et qui se croit tenu, dit-on, par une sorte d’obligation chevaleresque, n’a rien précisé non plus ; il n’assistait point d’ailleurs à l’entretien de Saint-Cloud. L’historien officieux de M. de Bismarck, Sybel, essaie de démontrer lourdement que l’Impératrice s’enfermait dans sa dignité triste d’épouse offensée, et qu’elle restait à l’écart des affaires politiques.

M. de Sybel a un but : c’est de prouver que la guerre a été voulue par la France, non par la cour des Tuileries, et qu’il était donc légitime de continuer la lutte contre la France, même après l’effondrement de la dynastie. Mais tout démontre, au contraire, l’action politique constante de l’Impératrice. Pour n’en donner qu’un détail : quand l’Empereur eut son premier entretien (en janvier 1867) avec M. Émile Ollivier, sur l’orientation générale de la politique de l’Empire, il le pria d’aller en conférer avec l’Impératrice. Celle-ci suivait avec inquiétude, avec épouvante les progrès de l’opposition. Pensa-t-elle, comme plusieurs des fanatiques de l’Empire, qu’il était nécessaire de rétablir le prestige impérial pour assurer la continuité de la dynastie ? L’Empereur était malade : le prince impérial était jeune. Rêva-t-elle d’assurer par l’éclat d’une victoire la transmission de la couronne ? C’est possible ; ce fut l’impression des contemporains ; certaines réticences de M. Émile Ollivier le laissent entendre aussi. Ce qui est vrai, cependant, c’est que, dès avant l’entretien de Saint-Cloud, le destin de la France venait de se décider par la demande du duc de Gramont à M. de Werther. Mais n’y avait-il pas eu déjà des interventions de l’Impératrice ?

Au retour de Saint-Cloud, M. de Gramont, à 7 heures, télégraphie à M. Benedetti : « Nous avons reçu dès maintenant de l’ambassadeur d’Espagne la renonciation du prince Antoine, au nom de son fils Léopold, à sa candidature au trône d’Espagne. Pour que cette renonciation du prince Antoine produise tout son effet, il paraît nécessaire que le roi de Prusse s’y associe et nous donne l’assurance qu’il n’autoriserait pas de nouveau cette candidature.