Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/317

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Desmarets, maire du IXe : « Quant à moi, je ne désertais pas Paris. Je croyais mieux de rester exposé au péril pour donner le temps au gouvernement de Versailles de s’armer ».

François Favre, maire du XVIIe : « Nous avons été pendant huit jours, les derniers, la seule barricade élevée entre l’insurrection et le gouvernement régulier ».

Vautrain, maire du IVe : « Si l’insurrection, au lieu d’être retenue à Paris par les élections, était venue à Versailles, dites-moi ce que fût devenue la France ?… Eh bien ! Messieurs, j’ai la confiance que les huit jours que vous ont fait obtenir les élections ont été le salut de la France… Il y a eu trois jours de perdus par ces gens-là (le Comité central), grâce aux élections ; il y a eu trois autres jours perdus pour la constitution de leur Conseil, et l’attaque du mont Valérien n’a eu lieu que le 2 avril. Nous avons donc fait gagner, mes collègues et moi, huit jours de plus. Nous étions bien en mauvaise compagnie, en présence de certains noms : mais, quand on a un devoir à remplir, il faut passer sur toutes ces considérations… J’ai signé par considération politique et je ferai encore de même, et, en le faisant, je crois que je vous ai sauvés ».

Tirard, maire du IIe et député : « Je dois vous dire, Messieurs, que le but principal que nous avons tous poursuivi par cette résistance était d’empêcher les fédérés de marcher sur Versailles. Je suis persuadé, en effet, que si, le 19 et le 20 mars, les bataillons fédérés fussent partis par la route de Chàtillon, Versailles aurait couru les plus grands périls, et j’estime que notre résistance de quelques jours a permis au gouvernement d’organiser la défense ».

Schœlcher, député de la Seine : « Quant à ma conduite, elle a précisément consisté à tenter des transactions, en attendant qu’on fut en état de résister. J’ai travaillé pour mon compte à organiser la résistance, sous les ordres de l’amiral (Saisset) bien entendu, et si j’ai donné ma voix à la transaction qui a eu lieu, c’était pour gagner du temps ».

Et brodant sur le tout, la déclaration de l’amiral Saisset, lui aussi député de la Seine et qui, commandant en chef de la garde nationale par la grâce de Thiers, avait pu juger les maires à l’œuvre : « Soyez-en convaincus, M. Thiers était bien résolu à ne donner son adhésion à aucun point ; mais, après la retraite de l’armée, nous étions tous sur un volcan et il fallait bien qu’on tâchât de sauver la maison… Quand les braves gens comme Tirard, comme Desmarets venaient lui dire : « Cédons cela ; on le reprendra après », M. Thiers tâchait de favoriser dans la mesure du possible, la bonne volonté de ces Messieurs ».

Pareils témoignages, pareilles affirmations jaugent et jugent des hommes ; elles marquent et stigmatisent une politique. Oui, c’est exact : la partie fut irrémédiablement compromise pour la révolution, parce qu’au 19 mars, le Comité Central n’osa pas, parce qu’englué dans des négociations avec les maires, il parlementa quand il fallait combattre, marcher de l’avant. Les maires, ceux-ci