Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/224

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1746, 1786 et 1831. Pour venir en aide à ces infortunes vraiment émouvantes, des souscriptions s’organisèrent partout, mais combien insuffisantes, malgré l’élan de générosité qui se manifesta.

M. Louis Blanc donna, au profil des canuts, une conférence le 25 mars. On attendait avec curiosité, dans le monde bourgeois aussi bien que dans le monde socialiste, ce qu’allait dire l’ancien organisateur du « Parlement ouvrier du Luxembourg » en 1848, qui se réclamait toujours du socialisme et avait tant écrit sur l’organisation du travail. Hélas ! son discours fut exclusivement consacré à l’« Histoire légale de la Charité en Angleterre » ! Voici, en majeure partie, quelle fut sa conclusion : « La suppression de la misère est, je le sais, et je l’ai dit bien souvent, un problème trop difficile pour qu’on ne l’aborde pas avec modestie, avec prudence, avec défiance même : il est trop vaste pour sa solution soit resserrée dans telle ou telle conception particulière ; il touche à trop d’intérêts pour qu’il y ait chance de le résoudre autrement que par l’accord de toutes les bonnes volontés, le concours de tous les efforts et au moyen de réformes graduelles, demandées à la science, à elle seule ».

Ce fut une éloquente déception pour tous ; quant à la recette, c’était une goutte d’eau dans un océan de misère !

Malgré toutes les épreuves courageusement supportées, les travailleurs lyonnais ne se départirent pas du calme le plus grand ; une fois de plus le prolétariat faisait crédit de sa misère à la République.

La bourgeoisie française ne comprit pas encore à quelles causes réelles était due cette crise ; elle l’attribua principalement aux répercussions des crises politiques qui venaient de se produire et dont l’ère ne paraissait pas près de se clore. On trouve la trace de ces préoccupations dans les nombreuses pétitions adressées au président de la République. Elles produisirent, quoiqu’elles fussent en grande partie inexactes, une grande impression sur cet esprit faible, désorienté et elles eurent du moins cet heureux résultat de le faire renoncer à la politique de résistance que, sur les sollicitations de son entourage et de ses ministres, il semblait résolu à adopter.

Le Sénat, lui, décida la nomination d’une Commission d’enquête qui eut mandat d’étudier les causes de la crise ! On en attend encore les résultats !

La chambre allait poursuivre son travail d’examen des élections réservées comme entachées de fraudes et, pour ainsi dire, chaque invalidation devait être suivie d’une revanche républicaine. Le nouveau Cabinet prenait des mesures contre les fonctionnaires qui, trop ouvertement, avaient manifesté leur zèle en faveur de la réaction et de la candidature officielle ; il ne pouvait se désintéresser du rôle qu’avaient joué certains généraux, car il était certain que des préparatifs militaires avaient été faits en vue d’un coup d’État, sous le bref ministère Rochebouët. Comme cela fut établi par la suite, la mobilisation du corps d’armée de Bourges, destiné à agir sur Paris, avait été organisée sous l’œil vigilant du général Ducrot. Le ministre de la Guerre le priva de son com-