Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et ses collègues du ministère, ainsi que la majorité stérile qui les déchargeait de toute responsabilité en votant contre l’enquête parlementaire sur le crime de Chalon ».

Pour donner encore plus de force à cet ordre du jour, le même Comité général, dans une séance tenue le 22 juin, adoptait à l’unanimité moins trois voix, Jaurès, Viviani et Longuet avaient voté contre, une résolution désapprouvant les députés socialistes qui, après avoir repoussé individuellement la proposition additionnelle de M. Massabuau dirigée contre les théories socialistes, l’avaient adoptée alors qu’elle faisait corps avec l’ordre du jour de confiance en le Gouvernement. En agissant ainsi ces députés avaient « sacrifié à des préoccupations politiques les principes supérieurs du socialisme acclamés au Congrès général de décembre 1899 ».

Décision avait été prise « de soumettre le cas au prochain Congrès, afin qu’il juge en dernier ressort et prenne les mesures nécessaires pour assurer l’unité de vote des élus en ce qui concerne les principes et la politique générale du parti ».

C’était là, malgré le renvoi de tout jugement devant la « barre » du Congrès, un véritable blâme, et la décision fut ainsi interprétée dans les deux camps en présence ; elle ne fut pas acceptée par ceux à qui elle s’adressait et vingt-et-un d’entre eux publièrent une protestation explicative de leur attitude ; ils entendaient la conserver, car ils ne voulaient ni directement ni indirectement se rendre complices des manœuvres dirigées par la réaction et le parti nationaliste contre la République.

Le remplacement du général de Galliffet, au ministère de la guerre, par le général André, avait rendu la tâche plus aisée aux socialistes, décidés à donner leur appui au cabinet Waldeck-Rousseau ; elle avait fait disparaître l’homme de la semaine de mai, politique bourru et fantaisiste, dont les boutades et les accès nerveux présentaient un danger permanent. La situation dans l’armée n’en était pas pour cela modifiée. Un vent de fronde, de sédition, y soufflait et l’exemple de l’indiscipline état donné par des chefs, depuis les plus modestes, jusqu’aux plus hauts placés dans la hiérarchie. Ceux-ci n’avaient tenu aucun compte du fameux ordre du jour « l’incident est clos ».

La première préoccupation du général André fut de faire rentrer dans le silence de la « grande muette » ceux qui y bavardaient trop et il s’ensuivit au Parlement de retentissantes, tumultueuses discussions. Il avait eu d’abord à répondre de la mesure par laquelle il avait remplacé trois chefs des bureaux de l’état-major du ministère de la guerre. Cette mesure avait entrainé le général Delanne, chef d’état-major général de l’armée, à demander à être relevé de ses fonctions, sous le prétexte qu’en violation des décrets réglant le fonctionnement de l’état-major, il n’avait pas été consulté. Le général André s’était borné à confirmer sa mesure en donnant l’ordre au général Delanne de continuer son service ; mais celui-ci, tout en obéissant, commettait une grave