Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/309

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infraction à la discipline en adressant une note aux officiers de l’état-major, qui n’était qu’une protestation contre l’autorité du ministre.

Une demande d’interpellation sur cet incident avait été déposée par le lieutenant colonel Guérin ; elle avait été ajournée à un mois ; ce fut encore le sort d’une nouvelle demande déposée par M. Alicot le 18 du même mois. Mais les questions qui touchaient à l’armée, même quand il s’agissait d’y rétablir la discipline, de la contraindre au respect du Gouvernement républicain et des institutions du pays, troublaient tellement le Parlement, que la Chambre revenant sur ses deux décisions, accepta le 28 juin la discussion d’une interpellation de M. Firmin Faure, notable nationaliste, qui se montra particulièrement violent contre le nouveau ministre de la Guerre. Il l’accusa de n’être que l’agent de la Franc-Maçonnerie, l’exécuteur des basses-œuvres des ennemis avérés de l’armée ; de prendre des mesures dont le général Galliffet n’avait pas voulu se charger et qui étaient les véritables motifs de sa retraite. Les décrets réglant le fonctionnement de l’état-major général avaient été violés.

Le général André, en termes simples, fit la réponse qui convenait. Chef de l’armée, comme ministre de la Guerre, seul responsable de ce qui se passait dans tous ses organes, il avait agi dans la plénitude de ses droits. En cas de désaccord entre le chef d’état-major général et le ministre, le dernier mot devait rester à ce dernier. La thèse était solide ; les mesures prises étaient justifiées : mais il était piquant de voir protester contre l’interprétation de deux décrets ceux qui, comme MM. Firmin Faure et Lasies, avaient trouvé légitime, naturelle, la violation formelle de toutes les lois qui régissent la procédure des conseils de guerre.

Après une longue et parfois confuse discussion, la Chambre adopta un ordre du jour accepté par le Gouvernement, composé d’une partie présentée par MM. Dubief et Babaud Lacroze « approuvant la déclaration du ministre de la Guerre », l’autre présentée par deux députés socialistes, Allard et Sembal ainsi libellée : « La Chambre résolue à ne pas permettre que la discipline si sévèrement imposée aux soldats soit moins rigoureusement imposée aux officiers de tous grades ».

Ce n’était là qu’une des premières escarmouches de la bataille incessante qui allait être livrée au général André que, quotidiennement, la presse réactionnaire et nationaliste couvrait des injures les plus sottes, des calomnies les plus grotesques. Le 4 juillet il était de nouveau l’objet d’une interpellation provoquée par la démission du généralissime Jamont.

Cette démission avait eu un grand retentissement. Le général Jamont jouissait d’une très grande réputation militaire en France et à l’étranger ; elle était, du reste, méritée, il importe de le reconnaitre et de le déclarer. Jusqu’à ce que l’affaire Dreyfus éclatât, cet officier semblait s’être strictement tenu à l’écart de la politique pour se confiner dans ses études et l’accomplissement de ses fonctions successives. Modeste, il fuyait la publicité, inspirant la plus