Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/101

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qu'il compte surtout. Et sa certitude vaillante ne fut pas ébranlée. C'est qu'il savait que dans ces âmes livrées à toutes les médiocrités et à tous les désordres, il y avait un ressort sublime qu'on saurait bien mettre en jeu. Et c'est lui qui avait raison d'espérer quand même ; c'est lui qui avait raison de croire, car ce sont ces mêmes soldats de l'armée du Nord, corrompus, semblait-il, et décomposés au point d'avoir perdu même le courage ; ce sont ces mêmes soldats qui, cinq mois après, dans un élan discipline de courage héroïque, emportaient le camp de Maubeuge ! Et plus de la moitié d'entre eux n'avaient pas de souliers ! Et il manquait à l'armée des milliers de baïonnettes pour qu'elle pût tout entière « attaquer à la française ! » Comment donc ce prodige s'est-il accompli ? Est-ce que tous ces hommes ont été ramenés sous la discipline des vieilles hiérarchies ? Et la Révolution a-t-elle appelé au secours, par un compromis funeste, les forces sociales qu'elle combattait ? Est-ce que, dans l'intervalle, la Révolution a fait amende honorable, même partielle ?

Elle a, au contraire, par le 31 mai, exalté et concentré l'action révolutionnaire. Est-ce que c'est en protégeant les armées contre la contagion de « l'anarchie révolutionnaire » que la Convention y a rétabli enfin la force de la règle ? C'est, au contraire, en communiquant sans cesse aux armées toute la flamme de la Révolution. La veille même à la bataille de Wattignies, le Comité de Salut public faisait savoir à l'armée du Nord, pour l'animer, que l'armée républicaine venait d'écraser à Lyon le fédéralisme royaliste et girondin :

Républicains, l'armée de la République vient d'entrer triomphante à Lyon ; les traîtres et les rebelles sont taillés en pièces. L'étendard de la liberté flotte dans ses murs et les purifie. Voilà le présage de votre victoire.

C'était signé d'Hérault de Collot d'Herbois, de Billaud-