Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/112

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le territoire au moyen d'une landwehr et d'une landsturm ». C'est qu'à tout l'effort d'une préparation permettant de grossir rapidement l'armée se joignait « la création d'une milice nationale ».

Mais â ces caractéristiques morales de la défensive s'ajoutaient des caractéristiques tactiques et stratégiques. Le souci des alliés est de ne pas risquer d'abord par une opération hardie tout le destin de la guerre en une bataille. Sans doute ils ne se bornent pas à observer passivement les mouvements de l'ennemi. Napoléon vient de subir en Russie un désastre. Il n'est plus l'invincible et le surhumain. Le lourd manteau de découragement et d'impuissance qui accablait les esprits est déchiré. L'audace est permise, mais, si je puis dire, une audace d'apprentissage qui n'engage rien à fond. Agir, oser, pour s'exercer surtout et pour s'entraîner, pour attester à soi-même et à l'ennemi qu'on a repris confiance, mais ne pas s'aventurer à une épreuve décisive avant d'avoir obtenu le plein des forces dont on pourra disposer, et affaiblir l'adversaire, voilà la règle de conduite des alliés. C'est ainsi qu'ils se résolurent par un mouvement hardi à tenter la défense du passage de l'Elbe et à surprendre Napoléon en pleine manœuvre. Ils espéraient que Napoléon n'aurait pu concentrer sous sa main, au jour de la bataille, ses 120 000 hommes, si on se hâtait de l'attaquer aussitôt qu'il aurait franchi la Saale. Le combat s'engage ainsi à Lutzen le 1er mai. Mais quand les alliés, constatèrent que Napoléon amenait sur le champ de bataille le gros de ses forces plus vite qu'ils ne l'avaient prévu, ils ne s'obstinèrent pas. Leur but n'était pas de vaincre, mais de disputer assez la victoire à Napoléon pour qu'il n'eût pas un de ces succès foudroyants nécessaires à la restitution de son prestige amoindri. Ils voulaient user ses forces par une résistance sérieuse, mais d'où on se dégagerait assez tôt pour n'être pas pris au piège. Ils abandonnèrent donc la plaine de Leipzig et se reportèrent un peu en arrière dans une marche bien réglée sur deux colonnes. Cette tactique de réserve agissante et de résistance à la