Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/130

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offre précisément à l’attaché étranger de lui faire copier des documents.

Tandis que Dreyfus n’est pas allé en manœuvres en 1894 et qu’ainsi la dernière phrase du bordereau : « Je vais partir en manœuvres », ne peut s’appliquer à lui, Esterhazy, quoique ce ne fût pas son tour, a demandé à aller hors rang, aux manœuvres de printemps de 1894, juste à la date du bordereau.

À ces manœuvres, selon le témoignage même du général de Pellieux, « il passait son temps à fumer des cigarettes " ; Il n’y allait donc que pour justifier, en paraissant s’intéresser aux choses militaires, les emprunts de documents qu’il faisait à Rouen et à Paris.

Enfin, pendant qu’entre l’écriture du bordereau et celle de Dreyfus, il n’y a qu’une ressemblance incomplète, pendant que les accusateurs s’épuisent en systèmes absurdes pour attribuer le bordereau à Dreyfus, malgré des différences caractéristiques, la ressemblance entre l’écriture du bordereau et l’écriture d’Esterhazy est complète, évidente, certaine.

Les moindres particularités de l’une se retrouvent dans l’autre, et les experts même qui plus tard, dans le huis clos du Conseil de guerre, ont innocenté Esterhazy, sont obligés pourtant par l’évidence de reconnaître, comme nous le verrons, que l’écriture du bordereau est l’écriture d’Esterhazy.


IV

Oui, je le répète : qu’on compare l’acte d’accusation si vain, si vide, si absurde, qui a fait condamner Dreyfus et l’acte d’accusation si plein, si solide, si décisif, qui pouvait en septembre 1896 être dressé contre Esterhazy. Et qu’on se demande par quelle coalition monstrueuse de toutes les forces d’iniquité et de mensonge Dreyfus innocent gémit dans le plus horrible supplice, tandis