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VII

Mais que répond-il ? Certes, sa lettre ne prouve pas qu’il considère dès lors comme absolument certaines la culpabilité d’Esterhazy et l’innocence de Dreyfus. Mais elle démontre qu’il n’a pas d’objection péremptoire à opposer au colonel Picquart.

Si, à ce moment, le général Gonse avait cru la culpabilité de Dreyfus indiscutable, il eût dit au colonel Pic quart : « Prenez garde, vous vous engagez dans une fausse voie ou dans une impasse ; vous allez vous briser contre un mur. »

S’il avait connu dans le fameux dossier secret dont nous parlerons bientôt, une pièce décisive Contre Dreyfus, il aurait dit à son ami le colonel Picquart : « Vous vous méprenez sur la portée de vos découvertes : il est impossible que Dreyfus soit innocent. »

Le général Gonse se garde bien d’invoquer avec assurance le dossier secret, car il sait qu’il n’a point une valeur certaine, et le colonel Picquart affirme à ses chefs, dès ce moment-là, comme il l’a déclaré devant la cour d’assises, qu’il n’y a au dossier « secret » aucune pièce concluante contre Dreyfus et au contraire qu’une pièce du prétendu dossier Dreyfus s’applique certainement à Esterhazy.

Pas plus qu’il n’oppose au colonel Picquart le dossier secret, le général Gonse ne lui oppose les prétendus aveux de Dreyfus. Et pourtant, c’est le général Gonse lui-même, comme en témoigne la lettre lue par M. Cavaignac, qui a assisté au récit du capitaine Lebrun-Renaud devant le ministre de la guerre : si bien que M. Cavaignac fonde sa conviction personnelle sur une conversation rapportée par le général Gonse et qui ne suffisait pas à convaincre le général Gonse lui-même.

Non, quand le colonel Picquart lui soumettait la carte-télégramme envoyée par M. de Schwarzkoppen à