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Il est clair qu’on ne peut se procurer l’écriture d’un homme pour la décalquer et se décharger sur lui d’un crime sans savoir en même temps le nom de cet homme, et sans être en état de le désigner.

Tout cela est clair, certain ; il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir et le peuple maintenant ouvre les yeux. Il ne voit donc dans le récit de la Libre Parole que l’aveu d’Esterhazy aux abois.

IV

Ce système insoutenable, Esterhazy l’a reproduit officiellement devant le Conseil de guerre qui a fait semblant de le juger. Là aussi, et si indulgente que soit pour lui l’accusation, qui le glorifie, il est obligé d’avouer qu’on ne peut expliquer que par un décalque de son écriture au moins certains mots du bordereau.

Voici ce que dit le rapport Ravary : « Il admet que dans l’écriture de cette pièce se rencontrent des mots ayant une ressemblance si frappante avec son écriture qu’on les dirait calqués. Mais l’ensemble diffère essentiellement. »

À l’audience, il ne se borne plus à dire qu’on les dirait calqués, suivant l’expression adoucie du rapport ; il explique comment on les a calqués.

En voyant, dit-il, le bordereau publié par le Matin rapproché des spécimens de mon écriture, j’ai été frappé de la ressemblance de certains mots qui paraissent décalqués. Cette idée de décalquage m’a frappé. Je me suis demandé comment l’auteur de la publication du bordereau avait pu avoir de mon écriture. Mon écriture a malheureusement traîné chez bien des gens dont le métier est de prêter de l’argent ; de plus, j’ai été témoin dans un duel (Crémieux-Foa). À ce sujet j’ai reçu beaucoup de lettres d’officiers auxquels j’ai répondu. j’ai pensé que M. Mathieu Dreyfus aurait pu en avoir quelques-unes. Mais cela n’était pas suffisant.