Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/272

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Ah ! quel juif que ce Drumont, s’il est vrai, comme il le dit, que les juifs ont faussé le sens simple et honnête des mots, la naturelle droiture des idées !

Par malheur pour les apologistes du faussaire, la pièce fausse n’était pas, je le répète, destinée à circuler (si toutefois, c’est une excuse à une pièce fausse d’être destinée à la circulation).

C’est pour les bureaux, c’est pour raffermir ceux des généraux qu’avait pu ébranler Picquart, c’est surtout pour décider le général Billot à prendre parti contre Dreyfus dans l’interpellation Castelin qu’Henry, en octobre 1896, a machiné le faux.

Chose curieuse : Le général de Pellieux lui-même, tout récemment, dans une interview du Gaulois, a expliqué comment il avait eu connaissance de la pièce fausse.

Quand il fut chargé d’enquêter sur Esterhazy, il avait à coup sûr le plus vif désir d’innocenter le cher commandant, le délicieux uhlan. Mais comme il sentait lui-même, quoi qu’on en puisse dire, la connexité de l’affaire Esterhazy et de l’affaire Dreyfus, il demanda « pour rassurer sa conscience », selon ses expressions, la preuve formelle, positive de la culpabilité de Dreyfus.

Et c’est la pièce fabriquée par Henry que les bureaux de la guerre lui communiquèrent. Mais si les bureaux de la guerre avaient eu contre Dreyfus des pièces sérieuses et authentiques, ils n’auraient pas eu besoin de communiquer confidentiellement au général de Pellieux la pièce fausse.

C’était un ami, et on pouvait compter sur sa discrétion : on n’avait pas besoin de ruser avec lui, et de remplacer les pièces vraies par une pièce fausse, fût-elle synthétique ou figurative…

Mais non : Au moment où le général de Pellieux demande à ses amis de l’État-Major de rassurer sa conscience, ils le trompent lui aussi : c’est donc qu’ils n’avaient à montrer que la pièce fausse. C’est donc que cette pièce fausse, bien loin d’être destinée à