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suppléer pour le public d’autres pièces vraies et incommunicables, était destinée à suppléer dans l’intérieur des bureaux, l’absence de toute pièce vraie.

C’est surtout le ministre de la guerre qu’il s’agissait de duper. Il fallait du moins fournir à Billot, assez malin « pour faire la bête », un prétexte à paraître dupe. Et c’est ainsi que le faux Henry, ou mieux le système des faux Henry, bien loin d’être je ne sais quelle déviation de l’instinct patriotique, est la combinaison la plus froide de la scélératesse la plus réfléchie.

Et de la tentative de réhabilitation ou de glorification à laquelle se sont décidés les nationalistes, il ne reste que l’aveu de l’immortalité cynique de tout un parti.


IX

De même que les pratiques d’Henry le faussaire, témoin de premier ordre au procès Dreyfus, frappent ce procès même d’un soupçon irrémédiable de fausseté, de même nous avons le droit de retenir l’apologie effrontée du faux comme un nouvel et décisif argument contre le huis clos.

Que serait un nouveau procès à huis clos, avec des hommes auxquels peut-être la cabale jésuitique et militariste soufflerait ses abominables sophismes ?

S’il est vrai, selon Drumont, qu’il est licite et même glorieux de fabriquer une fausse pour figurer, par synthèse, de prétendues pièces vraies, il doit être licite et même glorieux de condamner un innocent de race juive, si le crime qu’on lui impute à faux est la synthèse, la figuration vraie d’autres crimes de la race qu’on n’a pu châtier.

Cette sorte de substitution sacramentelle, que Drumont glorifie quand il s’agit des documents, la logique veut qu’on les glorifie aussi quand il s’agit des personnes.

Qu’importe que cette pièce soit un faux puisqu’on assure qu’il en est de vraies dans le même sens ?