Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/305

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moment où le colonel Picquart l’a demandé à M. Gribelin, c’est-à-dire ― il se souviendra mieux de la date que moi, j’étais en permission ― à la fin d’août ou au commencement de septembre 1896 ; voilà l’histoire de ce dossier.

Il faut vous dire que lorsque le colonel Sandherr m’a remis ce dossier le 16 décembre 1894, je lui ai dit : Mais comment se fait-il que vous n’ayiez plus besoin de ce dossier-là ?

Il m’a répondu : J’en ai un plus important, et je vais vous montrer une lettre de ce dossier.

Il m’a fait voir une lettre en me faisant jurer de n’en jamais parler.

J’ai juré. Il m’a montré une lettre plus importante encore que celles du dossier. Il m’a dit : « J’ai avec cela quelques documents, mais je les garde par devers moi et je m’en servirai si besoin est. »

Je n’ai plus jamais entendu parler de ce second dossier ; jamais le colonel ne me l’a remis.

Qu’on me pardonne d’avoir cité en entier cette partie de la déposition d’Henry. Il faudrait en méditer chaque parole.

Quel malheur vraiment que Cavaignac lui ait laissé en main le rasoir qui a coupé net tant d’explications.

À coup sûr, nous ne pouvons prendre à la lettre les affirmations du faussaire Henry. Nous pouvons pourtant relever les aveux qui y sont contenus.

C’est au moment du procès Dreyfus que se passent les faits racontés par Henry. En novembre et décembre 1894, Dreyfus est sous les verrous, et c’est le 22 décembre qu’il est condamné.

Or, des paroles d’Henry, il ressort deux faits essentiels. Le premier c’est que, au moment du procès, le dossier de toutes les affaires d’espionnage, j’entends le dossier régulier connu des bureaux, ne comprenait que huit ou neuf pièces. Que devient dès lors le chiffre fantastique de pièces dont a parlé M. Cavaignac ? Évidemment si elles existent, elles ont été fabriquées depuis.

Et le second fait, bien curieux, bien frappant, c’est que