Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/67

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Clam, auquel j’ai déclaré encore que j’étais innocent et que je n’avais même pas commis la moindre imprudence. »

C’est évidemment une réponse aux suggestions de du Paty.

Mais la preuve, plus formelle encore et plus nette, est dans la note envoyée le jour même par Dreyfus à son avocat et que celui-ci a communiquée le 9 juillet dernier à M. le garde des sceaux :


Note du capitaine Dreyfus

Le commandant du Paty est venu aujourd’hui lundi 31 décembre 1894, à cinq heures et demie du soir, après le rejet du pourvoi, me demander, de la part du ministre, si je n’avais pas été peut-être la victime de mon imprudence, si je n’avais pas voulu simplement amorcer ; puis que je me serais laissé entraîner dans un engrenage fatal. Je lui ai répondu que je n’avais jamais eu de relations avec aucun agent ou attaché, que je ne m’étais livré à aucun amorçage, que j’étais innocent.


Mais, que dis-je ? dans la lettre même du général Gonse, citée par M. Cavaignac, Dreyfus se réfère expressément à cette entrevue : « Le ministre sait que je suis innocent ; il me l’a fait dire par le commandant du Paty de Clam, dans la prison, il y a trois ou quatre jours. »

Voilà donc qui est certain : c’est le ministre qui suggère à Dreyfus cette explication qui atténuerait sa faute ; et Dreyfus se redresse : « Non, pas même une imprudence ; mon innocence est entière. »

Mais en même temps, il retient cette opinion du ministre, telle qu’elle lui est transmise, comme un argument de plus en faveur de son innocence ; et le matin de sa dégradation, quand il est en tête à tête avec Lebrun-Renaud dans le pavillon de l’École militaire, quand il se prépare à subir l’horrible supplice, il reprend dans une longue démonstration, semblable, comme le dit