Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/31

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de vieux chênes dont plusieurs tombés de vétusté barraient la route, je distinguai bientôt la figure de William. Le jeune homme paraissait entièrement absorbé par une conversation à voix basse, avec un étranger dont la chaise ou voiture légère était à demi cachée aux regards entre les buissons.

En approchant, je reconnus dans cet étranger le révérend Jasper[1], que j’avais vu à Austin chez un ami commun. Son caractère, son dévouement, son courage, m’avaient toujours inspiré du respect pour sa personne. A la charité du chrétien, aux vertus douces du ministre de l’Évangile, le missionnaire allie une âme ardente. Il appartient à cette armée courageuse de prédicateurs méthodistes, qui parcourent sans cesse le pays. Infatigables dans leurs efforts ; courant par monts, par vaux; bivaquant des mois entiers dans la prairie vierge ; bravant le soleil dévorant de l’été et les vents du nord de l’hiver; vivant de peu; payés seulement de souscriptions volontaires souvent arriérées ; — ces prêtres d’élite vont partout relever les faibles, soulager ceux qui souffrent, et secourir les opprimés. Ils croient au fond de leur cœur qu’il y a des devoirs d’humanité, et ils les remplissent. Les planteurs ont déjà bien pendu de ces missionnaires, sans parvenir à les corriger.

A peine le révérend Jasper m’eut-il reconnu qu’il me serra les mains, et sans hésitation comme sans préambule : « C’est la Providence qui vous envoie, me dit-il.

  1. Ce nom est un pseudonyme ou nom de guerre. Je ferai connaître plus tard le nom véritable de ce courageux missionnaire, qui est encore au Texas, exposé à la colère et aux vengeances des planteurs.