Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais eu Capitaine François et Chrestien, qui tout à une fois ait estendu le regne de Jesus Christ, Roy des Roys et Seigneur des Seigneurs, et les limites de son Prince Souverain en pays si lointain, le tout consideré comme il appartient, qui pourra assez exalter une si saincte et vrayement heroïque entreprinse ? Car quoy qu’aucuns disent, veu le peu de temps que ces choses ont duré et que n’y estant à present non plus nouvelle de vraye Religion que du nom de François pour y habiter, on n’en doit faire estime, nonobstant, di-je, telles allegations, ce que j’ay dit ne laisse pas de demeurer tousjours tellement vray que, tout ainsi que l’Evangile du Fils de Dieu a esté de nos jours annoncé en ceste quarte partie du monde, dite Amerique, aussi est-il tres-certain, que si l’affaire eust esté aussi bien poursuivy, qu’il avoit esté heureusement commencé, que l’un et l’autre regne, spirituel et temporel, y avoyent si bien prins pied de nostre temps, que plus de dix mille personnes de la nation Françoise y seroyent maintenant en aussi pleine et seure possession pour nostre Roy, que les Espagnols et Portugais y sont au nom des leurs.

Parquoy sinon qu’on voulust imputer aux Apostres la destruction des Eglises qu’ils avoyent premierement dressées, et la ruine de l’Empire Romain aux braves guerriers qui y avoyent joint tant de belles Provinces, aussi, par le semblable, ceux estans louables qui avoyent posé les premiers fondemens des choses que j’ay dites en l’Amerique, il faut attribuer la faute et la discontinuation, tant à Villegagnon qu’à ceux qui avec luy, au lieu (ainsi qu’ils en avoyent le commencement, et avoyent faict promesse) d’avancer l’oeuvre, ont quitté la forteresse que nous avions bastie, et le pays qu’on avoit nommé France Antarctique, aux Portugais, lesquels