Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/69

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animaux et en general en ce que la terre produit, estant dissemblable de ce que nous avons en Europe, Asie et Afrique, peut bien estre appelé monde nouveau, à nostre esgard : sans approuver les fables qui se lisent és livres de plusieurs, lesquels, se fians aux rapports qu’on leur a faits, ou autrement, ont escrit choses du tout fausses, je me suis retracté de l’opinion que j’ay autresfois eue de Pline, et de quelques autres descrivans les pays estranges, parce que j’ay veu des choses aussi bigerres et prodigieuses qu’aucunes qu’on a tenues incroyables dont ils font mention.

Pour l’esgard du stile et du langage, outre ce que j’ay jà dit ci-devant que je cognoissois bien mon incapacité en cest endroit, encore sçay-je bien, parce qu’au gré de quelques-uns je n’auray pas usé de phrases ni de termes assez propres et signifians pour bien expliquer et representer tant l’art de navigation que les autres diverses choses dont je fay mention, qu’il y en aura qui ne s’en contenteront pas : et nommément nos François, lesquels ayans les oreilles tant delicates et aymans tant les belles fleurs de Rhetorique, n’admettent ni ne reçoivent nuls escrits, sinon avec mots nouveaux et bien pindarizez. Moins encores satisferay-je à ceux qui estiment tous livres non seulement pueriles, mais aussi steriles, sinon qu’ils soyent enrichis d’histoires et d’exemples prins d’ailleurs : car combien qu’à propos des matieres que je traite j’en eusse peu mettre beaucoup en avant, tant y a neantmoins qu’excepté l’historien des Indes Occidentales, lequel (parce qu’il a escrit plusieurs choses des Indiens du Peru conforme à ce que je di de nos sauvages Ameriquains) j’allegue souvent, je ne me suis que bien rarement servi des autres. Et de faict, à mon petit jugement,