Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/75

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Cela faict, il fut question en second lieu de trouver des Ministres de la parole de Dieu. Partant, après que du Pont et autres siens amis en eurent tenu propos à quelques escoliers, qui pour lors estudioyent en Theologie à Geneve : entre autres maistres Pierre Richier, jà aagé pour lors de plus de cinquante ans, et Guillaume Chartier luy firent promesse, qu’en cas que par la voye ordinaire de l’Eglise on cogneust qu’ils fussent propres à ceste charge, ils estoyent prests de s’y employer. Ainsi apres que ces deux eurent esté presentez aux Ministres dudit Geneve, qui les ouyrent sur l’exposition de certains passages de l’Escriture saincte, et les exhorterent au reste de leur devoir, ils accepterent volontairement, avec le conducteur du Pont, de passer la mer pour aller trouver Villegagnon, à fin d’annoncer l’Evangile en l’Amerique.

Or restoit-il encore à trouver d’autres personnages instruits és principaux poincts de la foy : mesmes, comme Villegagnon mandoit, des artisans expers en leur art : mais parce que pour ne tromper personne, outre que du Pont declairoit le long et fascheux chemin qu’il convenoit faire : assavoir environ cent cinquante lieuës par terre, et plus de deux mille lieuës par mer, il adjoustoit, qu’estant parvenu en ceste terre d’Amerique, il se faudroit contenter de manger au lieu de pain, d’une certaine farine faite de racine, et quant au vin, nulles nouvelles, car il n’y en croist point : bref, qu’ainsi qu’en un nouveau monde (comme la lettre de Villegagnon chantoit) il faudroit là user de façons de vivre, et de viandes du tout differentes de celle de nostre Europe. Tous ceux, di-je, qui aymans mieux la theorique que la pratique de ces choses, n’ayans pas volonté de changer d’air, d’endurer les flots de la mer, la chaleur de la Zone Torride, ny de veoir le