Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/80

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navires marchans, leur alleguent ordinairement qu’il y a longtemps qu’à cause des tempestes et calmes sans pouvoir aborder terre ny port, ils sont sur mer en necessité de vivres, dont ils prient qu’en payant ils en soyent assistez. Mais si sous ce pretexte ils peuvent mettre le pied dans le bord de leurs voisins, ne demandez pas si pour empescher le vaisseau d’aller en fond, ils le deschargent de tout ce qui leur semble bon et beau. Que si là dessus on leur remonstre (comme de fait nous faisions tousjours) qu’il n’y a nul ordre d’ainsi indifferemment piller autant les amis que les ennemis : la chanson commune de nos soldats terrestres qui en cas semblable pour toutes raisons disent, que c’est la guerre et la coustume, et qu’il se faut accommoder, ne manque point en leur endroit.

Mais outre cela je diray, par maniere de preface, sur plusieurs exemples de ce que nous verrons cy après, que les Espagnols, et encores plus les Portugais, se vantans d’avoir les premiers descouvers la terre du Bresil, voire tout le contenu depuis le destroit de Magellan, qui demeure par les cinquante degrez du costé du Pole Antarctique, jusques au Peru, et encores par-deçà l’Equateur, et par consequent maintiennent qu’ils sont seigneurs de tous ces pays-là, allegans que les François qui y voyagent sont usurpateurs sur eux, s’ils les trouvent sur mer à leur avantage ils leur font une telle guerre, qu’ils en sont venus jusques-là d’en avoir escorché de tous vifs, et fait mourir d’autre mort cruelle. Les François soustenans le contraire, et qu’ils ont leur part en ces pays nouvellement cogneus, non seulement ne se laissent pas volontiers battre aux Espagnols, moins aux Portugais, mais en se defendant vaillamment rendent souvent la pareille à leurs ennemis : lesquels, pour en parler sans affection,