Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/59

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produit un résultat tout à fait contraire à celui qu’il produit dans les affaires d’un autre ordre : c’est ce que nous expliquerons, et nous verrons que, si le monnayage était libre, ceux qui vendraient des monnaies de valeur inférieure, à des prix réduits, chasseraient du marché les produits supérieurs.

Cette conclusion est amplement confirmée par l’expérience. À des époques et dans des contrées très-diverses, la monnaie a été fabriquée par l’industrie privée, et le résultat a toujours été l’altération du numéraire. Pendant longtemps, en Angleterre, la monnaie de cuivre consista principalement en jetons émis par des commerçants qui les produisaient en quantités excessives et ne leur donnaient qu’un poids très-léger. Dans les Vies de Boulton et de Watt, par M. Smiles, nous trouvons une lettre intéressante où Boulton se plaint que, pendant ses voyages, aux barrières de péage, il ne recevait en moyenne qu’un bon penny contre deux mauvais. Les industriels de bas étage achetaient, nous dit-il, la monnaie de cuivre à la valeur nominale de trente-six shellings pour vingt shellings en argent ; puis, avec cette monnaie de mauvais aloi, ils payaient les salaires de leurs ouvriers, de façon à faire un profit considérable. Telle était la multitude de ces pièces en circulation, que les magistrats et les habitants de Stockport tinrent un meeting où ils décidèrent de ne plus recevoir à l’avenir d’autres demi-pence que ceux de la compagnie d’Anglesey, qui pesaient le poids légal. Ceci montre, s’il était nécessaire de le prouver, que les efforts isolés et l’action de l’intérêt personnel étaient impuissants à chasser de la circulation la mauvaise monnaie ; et il est à croire que le meeting en question demeura sans effet sérieux. En Chine la petite monnaie courante, appelée cash ou li, est d’ordinaire fabriquée par des particuliers, ce qui fait que les dimensions, la qualité et la valeur de ces monnaies sont tombées bien bas.

Dans mon opinion, il n’y a rien qu’on doive, moins que la monnaie, abandonner à l’action de la libre concurrence. Dans les lois constitutionnelles, le droit de monnayage a toujours été tenu pour une des prérogatives particulières de la couronne, et c’est une maxime de la loi civile, que monetandi jus principum ossibus inhœret. Le mieux est de laisser ce